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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/885

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que la plupart de ces arbres se trouvent sur les bords des chemins et des petits ruisseaux et généralement réunis en groupe comme les rameaux d’un même tronc.

Le Rio-Limay, affluent du Rio-Negro, est un torrent navigable qui descend impétueusement dans une vallée de la Cordillère, au milieu de roches volcaniques; il est alimenté par les eaux d’un lac semblable aux plus beaux de la Suisse, le Nahuel-Huapi et quelques autres cours d’eau formés eux-mêmes des écoulemens de lacs pittoresques. Le lac Nahuel-Huapi est le plus important, il a de 70 à 80 kilomètres dans sa plus grande largeur et alimente en même temps que le Rio-Limay un affluent du Chubut. Le campement de Shay-Hueque est à environ 20 lieues du lac; le cours du fleuve, resserré entre les montagnes, est difficile à suivre; il est coupé par de grandes et bruyantes cascades : le terrain est du reste improductif partout dans cette contrée, à l’exception des rives du lac, où, au siècle dernier, les jésuites ont tenté d’établir une mission; tout autour on découvre des cimes couvertes de neiges éternelles.

M. Moreno avait un autre but que celui d’étudier, comme l’avait fait déjà Musters en 1870, les mœurs des habitants : il attachait plus d’importance à la découverte des vestiges laissés par les générations disparues. Ses recherches n’ont pas été vaines, il possède aujourd’hui un musée préhistorique incomparable, composé de plus de 300 crânes complets des races sud-américaines; aussi peut-il se permettre de fonder sur ces découvertes quelques propositions qu’il développera dans son prochain ouvrage. La race disparue à laquelle appartiennent ces restes vivait pendant l’époque géologique actuelle, mais dans les mêmes conditions sociales que l’homme quaternaire découvert dans diverses parties de l’Europe : ses armes étaient les mêmes, faites de silex, ses instrumens similaires; tous les objets enfin que l’on trouve dans les sépultures dénotent des mœurs à peu près semblables. Les animaux qui vivaient avec lui ne sont en rien différens de ceux qui fournissent à l’homme moderne de ces contrées son alimentation : le guanaque, le lièvre, l’autruche et diverses espèces de tatous. Il est facile de distinguer deux races différentes, la plus ancienne dolichocéphale et la plus moderne brachycéphale[1], quelque peu antérieure à l’époque de la conquête et dont les descendans sont les Tehuelches et les Pampas.

  1. Bien que ces deux mots, adoptés par l’école française d’anthropologie, soient assez vulgarisés pour ne pas demander d’explication, nous rappelons, pour fixer les idées, que l’on entend par dolichocéphales les crânes dont l’indice céphalique, c’est-à-dire le rapport du diamètre transverse maximum au diamètre antéro-postérieur, donne 75.00 et au-dessous, — et brachycéphales ceux dont l’indice céphalique donne 83.34 et au-delà.