Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/925

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jamais prennent au sérieux le philistin occupé à pratiquer des fouilles dans un opéra pour vous en expliquer le symbolisme. Fantaisiste à l’excès, oui certes, mais point charlatan. Aussi peut-on dire que sa fantaisie l’a perdu ; pendant que le prophète de Bayreuth, dogmatisant sur les barricades ou dans l’antichambre des princes, casque en tête et casaque au dos, attroupait et faisait sauter les moutons de Panurge autour de sa théorie, lui se dépensait en émotions, en enfantillages, criant par-dessus les toits ses haines et ses admirations, aimant fort sa musique assurément, mais sans exclusivisme, dédaignant de la maximer et n’ayant d’entrailles que pour l’idéal. Pauvre Berlioz, aucun calice d’amertume ne lui fut épargné : vivre pour assister au triomphe de la platitude est le sort réservé à tous les mortels, seulement il s’en rencontre dans le nombre que ce triste spectacle énerve, afflige davantage ; l’auteur de la symphonie d’Harold, de la Damnation de Faust et des Troyens eut ce privilège, et quand son heure enfin semblait venue, quand le siècle eut à couronner un initiateur, ô justice, ou plutôt ironie de la destinée, ce fut M. Richard Wagner qui prit sa place !

Depuis tantôt neuf mois qu’elle tient le jeu, la nouvelle administration de l’Opéra-Comique en est à donner ses premiers gages, et les bureaux des beaux-arts, toujours bénévole ? envers les directeurs qui ne remplissent pas leurs cahiers des charges, partent de là pour prêcher confiance et patience aux députés. « L’administration des beaux-arts, eu égard aux difficultés qu’a rencontrées le directeur au début de son entreprise, pense qu’il est nécessaire de lui accorder un certain crédit et de ne pas exiger pour la première année la totalité des pièces nouvelles exigées par le cahier des charges. » À quoi le rapport de la commission du budget vient de répondre sensément en conseillant à la chambre de ne se prêter que dans une faible mesure à la diminution de ces obligations. Il serait en effet trop facile de rendre ainsi compte à l’état des subventions qu’il accorde « pour favoriser l’interprétation des œuvres des jeunes auteurs. » Hélas ! des jeunes auteurs, qui donc s’en occupe ? On passe neuf mois à reprendre à la diable l’ancien répertoire ; puis, quand on a remis à la scène Fra Diavolo, Zampa, le Pré aux Clercs, Cendrillon, Lalla-Rouk et la Fête du village voisin, avec une exécution dont la direction précédente, tant décriée, se serait à peine contentée, le premier jeune auteur à qui l’on s’adresse, c’est M. Gounod.

Cinq-Mars ! quelle belle occasion pour discourir sur le roman d’Alfred de Vigny et dire ce que le temps, qui n’épargne rien, a fait de cette œuvre, jadis si goûtée. Qu’on se rassure, nous n’en abuserons pas, car c’était bien plutôt à Paul Delaroche et à son art que nous pensions en écoutant cette musique. Qui ne se souvient de certains jolis cadres tellement jumeaux que, dès que vous apercevez l’un, vous cherchez l’autre ?