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avec eux, les amadouer, se les rendre favorables, parce que plus tard on aurait peut-être à lutter contre eux, et qu’il était prudent de les désarmer d’avance. On les menait au cabaret, dans les bons endroits, on leur disait du mal de leurs généraux, on leur expliquait qu’ils avaient été trahis, et, entre deux verres de vin, on leur disait : « N’est-ce pas que vous ne tirerez pas sur vos frères ? » et ils répondaient : « Jamais ! » À la journée du 18 mars, ils ont tenu parole.

Ce fut dans les premiers jours de février 1871 que l’Internationale jugea le moment opportun pour s’emparer de la direction abandonnée de Paris et réunir en un seul faisceau toutes les forces éparses et incohérentes de la garde nationale ; elle allait ainsi se créer une armée redoutable qu’elle emploierait à une œuvre perverse, mieux qu’on ne l’avait employée à la défense du pays. On imagina de fédérer entre eux tous les bataillons qui encombraient le pavé de Paris et de leur laisser ainsi une sorte d’initiative particulière, tout en les soumettant aux ordres d’une autorité centrale. Une réunion préparatoire, tenue le 15 février, fit connaître le but que l’on visait et posa les assises de la future association. Les statuts, rédigés, sont adoptés le 15 février ; 114 bataillons avaient adhéré et s’étaient engagés à ne reconnaître d’autre autorité que celle du comité central, qui dès cette heure est constitué, et devient dans Paris une puissance contre laquelle nul n’est plus en mesure de lutter. Une résolution qui fut votée séance tenante à l’unanimité prouve à quels criminels subterfuges on avait recours pour égarer des hommes plus surexcités que malfaisans. On fit appel à leur patriotisme, on leur demanda un dernier, un suprême sacrifice pour l’honneur du pays ; ils s’offrirent par acclamation, naïvement, sans même se douter que leurs chefs improvisés par l’élection cachaient une arrière-pensée coupable et les trompaient misérablement. On sait qu’en vertu d’un article de la capitulation l’armée allemande avait le droit consenti d’occuper quelques quartiers de Paris, entre l’époque de la réunion de l’assemblée nationale à Bordeaux et l’acceptation par celle-ci des préliminaires de la paix, comportant la cession de l’Alsace, celle d’une partie de la Lorraine et le paiement d’une indemnité de guerre de 5 milliards. C’est sur ce fait que les révolutionnaires incorrigibles, rêveurs de république universelle et d’interversion sociale, sans se soucier des amputations insupportables que le pays subissait, sans rougir d’accomplir leurs méfaits en présence de l’ennemi montant la garde à nos portes, c’est sur ce fait que le comité central machina son impudent stratagème, ce qui prouve du reste qu’il connaissait bien le tempérament nerveux et excessif de Paris. La fédération de la garde nationale et