Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/26

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tous les malheurs qui en ont résulté ont eu pour acte de naissance cette motion proposée à la réunion générale du 24 février : « Les délégués soumettront à leurs cercles respectifs de compagnie la résolution suivante : au premier signal de l’entrée des Prussiens dans Paris, tous les gardes nationaux s’engagent à se rendre immédiatement, en armes, à leur lieu ordinaire de réunion, pour se porter ensuite contre l’ennemi envahisseur. » Adopté à l’unanimité.

C’est là un sujet fort triste, mais qu’il faut épuiser par anticipation, afin de n’avoir pas à y revenir. Que la commune soit issue du comité central et de la fédération de la garde nationale, que les mêmes instincts mauvais, les mêmes ambitions malsaines, aient fait agir ces hommes avant comme après le 18 mars, nul n’en peut douter, il n’est pas un de leurs actes qui ne l’affirme. Eh bien ! le premier soin des membres de la commune, lorsqu’ils prirent la place laissée vide par les hommes du gouvernement régulier, fut d’essayer de se mettre en communication avec les chefs de l’armée allemande ; le général von Pape et le général von der Thann pourraient en dire long à cet égard. Paschal Grousset, délégué aux relations extérieures, envoie Vinot, colonel d’état-major résidant à l’École-Militaire, porter à ces chefs de corps l’assurance que la commune fait la guerre à « Versailles » et non point à l’Allemagne ; plus tard il écrit à Bergeret, qui, comme l’on sait, fut lui-même et général, une lettre ainsi conçue : « Mon cher Bergeret, je vous prie, donnez un certain apparat à la démarche que nous faisons auprès du commandant en chef du 3e corps d’armée prussien. Il s’agit de savoir officiellement à quelle date les Allemands évacueront les forts de la rive droite, pour ne pas les laisser prendre aux Versaillais. C’est par un officier d’état-major, envoyé en parlementaire et suivi au moins d’une ordonnance, que la dépêche doit être remise. Salut et égalité. » Le général von der Thann reçut en effet cette dépêche et dit simplement qu’il n’avait, sur cette question, de réponse à faire qu’au gouvernement siégeant à Versailles. Ce n’est pas tout ; lorsque, le 1er  mai 1871, Rossel fut nommé délégué à la guerre, il se hâta de faire toute tentative pour entrer en relations avec les Allemands afin de leur acheter les chevaux réquisitionnés par eux et dont il avait besoin pour improviser quelque cavalerie ; cependant, on se rappelle que, devant le conseil de guerre qui le condamna à mort, Rossel disait : « C’était l’horreur que m’inspirent les capitulations et la haine que j’ai vouée à l’Allemagne qui m’ont jeté dans l’insurrection, dès le 19 mars. » Il serait facile de multiplier ces exemples ; ceux-ci suffisent à démontrer que la lutte projetée contre les vainqueurs pénétrant dans Paris était un prétexte destiné à couvrir des projets longuement mûris et minutieusement