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du Turkestan, à la tête duquel fut placé un gouverneur-général investi des pouvoirs les plus étendus, et notamment du droit de négocier directement avec les états asiatiques et de conclure avec eux des traites sans l’intervention de la chancellerie impériale. Le général Kaufmann ne tarda pas à être appelé à cette haute fonction, qu’il occupe encore.

Une trêve avait suivi la bataille d’Irdjar : il fut impossible d’obtenir l’adhésion de l’émir de Boukhara au traité qui avait été négocié en son nom. Ce prince ne discontinuait pas les préparatifs militaires que lui imposait le fanatisme surexcité de ses sujets, et néanmoins il n’osait commencer les hostilités. Les mollahs de Boukhara, las de ses hésitations, profitèrent d’un pèlerinage qu’il fit pendant les fêtes religieuses du Kurban-Baïram, et proclamèrent en son absence la guerre sainte contre les infidèles. Le gouverneur-général réunit aussitôt les forces dont il pouvait disposer; mais au lieu de demeurer sur la défensive, comme il en avait l’instruction formelle, il fit envahir par les troupes russes la vallée du Zarafshan. Samarcande fut pris; mais à pine la petite armée russe s’était-elle éloignée pour aller à la rencontre de l’armée boukharienne que la ville se souleva et attaqua la citadelle, où il n’était resté que les malades et une garnison de 700 hommes. Tout le pays était en insurrection; les communications de la colonne expéditionnaire avec Tashkend étaient coupées, et si la victoire de Zera-Buleh et la dispersion de l’armée de l’émir n’avaient permis de dégager Samarcande et n’avaient arrêté le soulèvement général qui se préparait, la domination russe dans l’Asie centrale se serait trouvée gravement compromise. Par un traité en date du 5 juillet 1838, l’émir céda à la Russie la province de Samarcande tout entière et s’engagea à payer une indemnité de guerre de deux millions. Le gouverneur-général aurait pu mettre fin au règne de Mozaffer-Eddin et annexer aux possessions russes le Boukharie entière : il n’osa méconnaître à ce point les volontés de l’empereur Alexandre. Le soulèvement de Samarcande lui prouvait d’ailleurs qu’il ne pouvait entreprendre de retenir sous le joug Boukhara et les autres villes du pays sans y mettre de fortes garnisons et sans demander à Saint-Pétersbourg une augmentation considérable des troupes russes en Asie. Il préféra réduire l’émir de Boukharie à l’état de vassal : il soutint ce prince contre la révolte qui éclata comme une protestation contre la conclusion de la paix, et lorsqu’il jugea utile de détrôner les beys de Sharisabs, il donna leurs états à l’émir, qui les réunit aux siens.

Pour s’assurer la tranquille possession de Samarcande, les Russes soumirent, en 1870, et annexèrent toute la vallée supérieure du Zarafshan, Falgar, Matcha, Fareb et Magian, jusqu’aux glaciers où.