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le fleuve prend sa source. Grâce à cette annexion, ce qui demeurait du khanat de Khokand devint presque une enclave des possessions russes, et toute communication se trouva coupée entre Kashgar et Boukhara. Restait Khiva, qui n’avait point encore senti les atteintes de la puissance russe et dont le souverain puisait dans cette immunité la plus folle présomption. Les tentatives faites par les Cosaques, pendant le XVIIIe siècle, pour s’emparer de Khiva avaient toujours misérablement échoué. Une expédition russe, conduite par le général Pérovsky, n’avait pas eu un meilleur résultat en 1839 : arrêtée dans sa marche par un froid rigoureux, elle n’avait pu franchir la distance qui sépare la mer Caspienne de Khiva : elle avait dû revenir à son point de départ en laissant derrière elle un quart de son effectif, 9,000 chameaux sur 10,000, ses munitions et tous ses bagages. Ces souvenirs rassuraient le khan de Khiva, et l’empêchaient de tenir compte des observations et des menaces des autorités russes. Les Kirghiz s’étant soulevés en 1870 et 1871, il n’hésita pas à les encourager dans leur rébellion, et à leur envoyer des secours. Un châtiment était nécessaire, et en octobre 1872 on fit marcher contre Khiva, sous les ordres du colonel Markozof, un corps détaché de l’armée du Caucase. Le colonel Markozof remonta le cours de l’Attrek; mais dès qu’il eut quitté les bords du fleuve pour s’engager dans le désert, la soif et les privations décimèrent sa petite troupe, et il fut obligé de battre en retraite. Ce nouvel échec compromettait trop gravement le prestige de la puissance russe pour qu’il ne fût pas indispensable de le réparer immédiatement. Le général Kaufmann se rendit à Saint-Pétersbourg, et, malgré l’opposition du prince Gortchakof, qui prévoyait et appréhendait des observations de la part de l’Angleterre, il obtint le consentement de l’empereur à une nouvelle expédition. Un grand conseil de guerre fut tenu à Saint-Pétersbourg. Il y fut décidé que Khiva serait attaqué de trois côtés. Un corps de l’armée du Caucase, sous les ordres de Markozof, devait partir des bords de la mer Caspienne; un corps de l’armée d’Orenbourg, sous les ordres du général Verevkin, devait marcher sur Khiva à travers les steppes; enfin, le corps principal, sous la conduite du général Kaufinann, devait partir de Djizakh, dans la province de Tashkend, traverser le désert de Kyzilkhum en se dirigeant vers le cours inférieur de l’Oxus, non loin duquel est l’oasis de Khiva. Près de 25,000 chameaux avaient été réunis pour ces trois corps d’armée, Khiva étant à 200 lieues de Tashkend, à 310 d’Orenbourg et à 180 de la mer Caspienne. L’événement prouva que l’on n’avait point exagéré les précautions. Le détachement du colonel Markozof s’égara dans le désert et dut revenir sur ses pas, tant le nombre des malades l’avait affaibli ; il dut abandonner dans sa retraite