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n’y a en vérité rien d’extraordinaire. M. Gambetta s’est déclaré l’adversaire de toute réforme radicale dans la situation de l’église ; il s’est prononcé sans hésitation pour le concordat ; il veut simplement défendre la puissance de l’état contre tous les envahissemens, contre toutes les usurpations, et il s’est même emporté contre ceux qui l’accusaient encore d’être passionné lorsqu’il se bornait, prétendait-il, à demander l’exécution des lois « qui ont été appliquées par M. de Vatimesnil, par Mgr Frayssinous, par le gouvernement de Charles X, par le gouvernement de Louis-Philippe, par l’empire… » Le fait est qu’il l’a dit, il l’a dit au moins à sa manière ; mais c’est là justement qu’est la faiblesse de la situation qu’il prend dans ces questions toujours délicates. Par le fond de son discours, M. Gambetta est passablement conservateur, il l’est assez pour que quelques-uns de ses amis puissent le traiter de réactionnaire, et en même temps ces idées qui n’ont rien que de raisonnable, il les développe avec l’emportement de ses passions, avec un esprit qui prétend faire des plus simples garanties une arme de combat.

A quoi faut-il s’arrêter ? Est-ce à la partie modérée du discours ? est-ce à la partie violente et à l’ordre du jour qui en est la traduction exagérée, emphatique ? M. Gambetta poursuit le cléricalisme ; il y a seulement bien des choses qui sont à ses yeux le cléricalisme, et on dirait qu’il se plaît à multiplier les ennemis qu’il veut détruire. Le sénat, par exemple, est « la citadelle,… le refuge, le réduit » du cléricalisme. Voilà un ennemi ! Où était la nécessité de mettre directement et violemment en cause le sénat ? Si M. Gambetta a le droit d’accuser le sénat, les sénateurs auront le droit d’accuser la chambre des députés, — et ce sera probablement l’ordre dans la république ! Ce n’est pas tout, il y a un autre point où, sous prétexte de déchirer les voiles, M. Gambetta ne montre pas plus de tact. M. Gambetta ne veut pas qu’on puisse dire que le cléricalisme est une minorité, même dans le clergé, que M. L’évêque de Nevers est une exception. C’est là un subterfuge bon pour M. le président du conseil, qui « ne trouve dans son cœur ni dans ses souvenirs aucune parole de réprobation » contre la violation des lois ! M. Gambetta veut qu’il soit bien avéré que l’unanimité de l’épiscopat français pense et parle comme M. L’évêque de Nevers. « Il ne s’agit pas, s’écrie-t-il, d’un groupe d’hommes, d’une fraction de l’épiscopat, nous sommes en présence d’une armée qui a un général et qui manœuvre comme savent manœuvrer les armées disciplinées… » Fort bien ! voilà un autre ennemi, le véritable ennemi, et, lorsqu’ensuite M. Gambetta résume son discours dans un dernier mot, — « guerre au cléricalisme ! » — cela veut dire, à ne pouvoir s’y méprendre : « guerre au clergé tout entier ! »

Ainsi guerre au sénat ! guerre à l’église elle-même sous le nom de cléricalisme ! C’est la pensée qu’on retient vainement, qui éclate à tout propos. Que M. le président du conseil ose dire tout haut qu’il professe « pour la religion catholique et pour le clergé un respect profond et sincère, »