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J’aimerai toujours ma Nanon
Qui tient ton cœur en prison.


La belle promet « ses amours » à celui qui ira chercher les clés. L’amant se déshabille, plonge dans la mer une première fois et ne trouve rien :

Du second coup qu’il plonge
Jusqu’au sable a été ;
Du troisièm’ coup qu’il plonge,
Dans la mer s’est noyé…
J’aimerai toujours ma Nanon
Qui tient mon cœur en prison.

N’y a ni poissons ni carpes
Qui n’en aient pas pleuré,
N’y a que la sirène
Qui a toujours chanté.
J’aimerai toujours ma Nanon
Qui tient mon cœur en prison.


Comme on l’a deviné, l’amoureux a été trompé par une fausse apparence. C’était la perfide fée des eaux qui se plaignait au sommet des roches, et non la bien-aimée. Celle-ci accourt, désespérée, sur le rivage, et se répand en imprécations contre la sirène maudite :

Chante, sirène, chante !
T’as moyen de chanter,
Tu as la mer à boire,
Mon amant à manger…


Avec ses procédés naïfs, cette chanson réussit très bien à exprimer les fascinations de l’ondine, la dangereuse fée des eaux. Le refrain amoureux : « J’aimerai toujours ma Nanon, etc., » qui revient comme une incantation, ajoute encore à l’effet et donne la sensation d’un cerveau hanté par le vertige. Il tourne autour de chaque strophe comme un tourbillon d’eau au-dessus de l’entonnoir d’un gouffre.

Dans la poésie populaire, l’enfant ne se borne pas à être un simple auditeur, il est lui-même acteur, quand reviennent certaines époques solennelles comme la Noël, la nouvelle année, le premier mai. Dans l’Angoumois, au 1er janvier, des bandes d’enfans vont chanter aux portes l’Aguilanneu (au gui l’an neuf) :

Nous sommes de pauvres gens,
Bonnes gens,
Qui ne sont guère riches ;
Nous cherchons de l’argent,
Bonnes gens,
Pour nourrir nos familles.