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Marceau produisent une coloration froide que ne réchauffent pas suffisamment la note rouge vif du manteau du général et la note jaune vif du paravent contre lequel s’adosse le lit.

Sauf à ses débuts, M. Jean-Paul Laurens n’avait pas encore exposé de tableaux avec des figures de grandeur naturelle. Son Marceau prouve que, quand on a comme lui le dessin ample et précis et la touche mâle et vigoureuse, il ne faut pas hésiter à aborder la grande peinture. M. Laurens a agrandi sa manière ; il n’a pas grandi son sujet. Conçue ainsi, la Mort de Marceau tourne au sentimentalisme et confine au genre historique. Bouchot du même sujet avait fait une plus grande page d’histoire. Son tableau, aujourd’hui au musée de Chartres, représente les funérailles de Marceau devant les deux armées française et autrichienne rangées en bataille. C’est rappeler ce grand fait des guerres de la république : le général autrichien ne consentant à remettre aux Français le corps de Marceau, tombé blessé à mort entre ses mains, qu’à la condition que l’armée autrichienne s’unît à l’armée française pour rendre au héros les honneurs militaires.

On n’est point accoutumé de voir Sextus Tarquin sous la figure d’un timide amoureux marivaudant avec Lucrèce. C’est pourtant ce qu’a imaginé M. Alexandre Cabanel dans Lucrèce et Tarquin. Lucrèce, assise sur une chaise d’ivoire à dossier rond et sans bras, prise des peintures de Pompéi, file de la laine et garde la maison, en digne Romaine qu’elle est. Elle paraît n’attacher qu’une attention médiocre aux déclarations de Tarquin debout derrière elle. Ce qui diminue le mérite de la vertu de Lucrèce, c’est que le Tarquin est bien laid et bien gauche pour jouer les Lovelace. On le prendrait plutôt pour le dernier des affranchis que pour le fils du roi des Romains. M. Cabanel se trompe parfois, mais dans ses tableaux on sent toujours la main d’un maître. Le dessin est sûr, la touche ferme et sévère. Comme tour de force de dessin, il faut admirer l’attache du cou de la figure de Tarquin. La Lucrèce, qui a du caractère dans la pose, sinon dans la physionomie, un peu moderne avec ses yeux en coulisse, porte une robe vert d’eau doublée de violet pâle. Ces deux tons très fins se marient dans une savante harmonie.

La troisième année de la cent soixante-treizième olympiade (an 86 avant Jésus-Christ) fut pour les Athéniens une longue et lamentable tragédie dont le prologue fut la tyrannie de l’ex-maître d’école Aristion et l’épilogue, la ville mise à sac par les légionnaires de Sylla. Avec les Fugitifs de M. Léon Glaize, nous n’en sommes encore qu’au premier acte. Des Athéniens, pour échapper à la folie sanguinaire d’Aristion, s’enfuient de la ville terrorisée. Les portes en sont fermées, mais la nuit les remparts ne sont pas si bien gardés qu’on ne puisse se laisser glisser jusqu’au pied des murailles et gagner