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funérailles de Charles le Bon, comte de Flandre, sont certainement l’œuvre la plus étrange du Salon. La nef de l’église Saint-Christophe à Bruges regorge de monde. L’œil ne perçoit rien qu’une longue procession immobile de figures de profil, nobles et barons couverts de soie et d’or, prêtres dans leurs chasubles et leurs étoles brillantes comme des soleils, chevaliers templiers portant la croix rouge sur leurs grands manteaux blancs, hommes d’armes, le pot de fer en tête et l’épée à la main, pertuisaniers en cottes de mailles, arbalétriers en armures de cuir fauve, massiers aux surcots blasonnés, pelotons de piquiers tenant haut les fauchards et les hallebardes, foule de populaire, bigarrée et confuse. Au premier plan, des moines tournant le dos sont agenouillés d’espace en espace dans des attitudes étonnamment variées. Cette rangée de silhouettes isolées, tranchant par leur couleur noire avec les tons éclatans des costumes du cortège, est une véritable trouvaille. Nous allions oublier dans cette ébauche de description la figure principale, le cadavre du comte de Flandre. Il est vrai que M. Van Beers l’a oubliée dans son tableau, car, perdue à l’extrême droite du tableau et à demi cachée par le capuchon d’un moine et par la chape d’un évêque, c’est comme si cette figure n’existait pas. Le défaut capital de ce tableau est de n’être point composé. Il n’a, comme on dit, ni queue ni tête. C’est une longue frise qui pourrait se continuer ainsi à l’infini et faire tout le tour du palais de l’Industrie. Non pas que nous condamnions absolument ces compositions en longueur avec le groupe principal à une extrémité, mais au moins faut-il que, soit par un jeu de lumière, soit par une disposition ingénieuse qu’il appartient au peintre de trouver, le groupe principal se détache nettement et attire tout d’abord le regard. Déplacez le centre de la composition, mais faites en sorte que ce centre existe. Il y a d’ailleurs de rares qualités dans ce tableau ; la touche est énergique en dépit de l’aspect un peu mince et un peu plaqué de certaines figures, et la couleur a une grande vigueur. Toutes les figures, au nombre de plus de trois cents, qui grouillent dans cette toile, ont toutes une physionomie distincte et caractérisée. Que M. Van Beers renonce donc à ces compositions bizarres et à ces taches criardes de cadmium et de vermillon. La masse du public qui constate son talent ne demande qu’à venir à lui ; il n’a pas besoin de raccrocher les passans par des excentricités de mauvais aloi.

Il semble que les pillards ont agi avec beaucoup de discrétion dans les Horreurs du pillage de M. Lesrel, à voir les torsades de perles mêlées à la chevelure flavescente de la jeune femme morte, à voir aussi les aiguières de lapis et les vases d’or et d’argent