Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/732

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La plus grande partie de la Russie d’Asie et quelques portions de la Russie d’Europe restent donc, provisoirement du moins, en dehors des mesures édictées par les nouveaux règlemens. En outre certaines populations, les Cosaques des frontières du sud en particulier, conservent leur organisation propre, améliorée ou modifiée selon l’esprit de la loi nouvelle. Sauf ces exceptions, tout sujet russe peut vers sa majorité être appelé sous les drapeaux. La durée totale des obligations militaires est pour l’armée de terre de vingt ans, dont six dans l’armée active, neuf dans la réserve, cinq dans la milice ou armée territoriale.

Avec 80 millions d’habitans et un service actif de six ans, tous les hommes soumis à l’appel ne sauraient figurer sous les drapeaux ; aucun budget ne suffirait à une telle dépense. En général, plus un pays est vaste et peuplé, et moins le service universel et obligatoire peut y être exécuté à la lettre, alors surtout que l’on croit une longue période d’initiation et d’éducation militaire encore nécessaire pour un peuple ignorant. Strictement appliqué, le principe de la loi nouvelle donnerait à la Russie une armée active de 4 millions de soldats[1]. En laissant de côté les provinces soumises à un régime spécial et tous les cas d’exclusion, la classe annuelle offre un chiffre de 700,000 jeunes gens. Le service étant de six ans et le budget de l’armée, quelqu’enflé qu’il ait été, ayant des bornes, il faut faire un choix entre ces jeunes gens. Ce choix, selon les principes de l’esprit moderne, est remis au sort : c’est le sort qui, de même qu’en France, partage le contingent en deux portions dont l’une entre dans l’armée active pour six ans, dont l’autre passe immédiatement dans la milice, où elle reste nominalement inscrite pour vingt ans. Avant les dernières années, le chiffre de la levée effective n’était que de 150,000 hommes ; en 1875 on l’a porté à 180,000, en 1876 à 196,000. La durée du service actif impose au chiffre des recrues des limites qu’il est malaisé de franchir. On ne saurait accroître les levées annuelles qu’en diminuant le temps passé sous les drapeaux. Il en a été question en Russie, la presse a souvent parlé de réduire à quatre années le temps demandé au soldat. On est arrêté par le manque d’instruction, le manque de préparation de la masse des conscrits qui, pour les neuf dixièmes, sont encore complètement illettrés, les nouvelles écoles étant encore loin d’être à la portée de tous ; puis, au dire

  1. Il est à remarquer que grâce au grand nombre et à la mortalité des enfans, la Russie présente, au point de vue militaire comme au point de vue économique, un excédant des âges improductifs, surtout de l’enfance sur l’âge adulte. Voyez V. Ja. Bouniskovski, Antropobiologitcheskiia isslédovaniia i ikh prilogéniia k mougkomou naseleniiou Rossii, Saint-Pétersbourg 1874.