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l’administration militaire et au rappel des soldats en cas de mobilisation. Ce système avait l’inconvénient de n’être point favorable à une prompte mobilisation, à un rapide passage au pied de guerre. L’exemple de la Prusse a montré que, pour être toujours prête à entrer en campagne, une armée doit en temps de paix être autant que possible constituée comme en temps de guerre. De là l’utilité de corps d’armée permanens, pourvus d’état-majors fixes et comprenant des troupes de différentes armes. Pour en faciliter le recrutement et la mobilisation, ces corps d’armée doivent, autant que faire se peut, correspondre aux circonscriptions territoriales destinées à entretenir ou à compléter leur effectif à l’aide des recrues et des réserves locales. C’est ce qui existe en Prusse, où l’organisation tactique de l’armée et l’administration locale militaire sont calquées l’une sur l’autre, de façon que corps d’armée, divisions, régimens, se recrutent en temps de paix et se complètent en temps de guerre sur les lieux mêmes où ils sont cantonnés. Ce système territorial, une des grandes causes de la supériorité de l’armée prussienne, ne saurait être rigoureusement appliqué en Russie. Les dimensions de l’empire, l’immense développement des frontières, l’éloignement des régions les plus peuplées du théâtre probable des opérations militaires, la nationalité de la plupart des provinces occidentales, sont autant d’obstacles à la formation de corps d’armée toujours cantonnés dans les lieux où ils se recrutent et également répartis sur la surface de l’empire. La dislocation, la répartition normale des troupes, ne saurait être conforme à la répartition territoriale de la population ; par suite, les circonscriptions de l’administration militaire locale et les divisions stratégiques ou les corps d’armée ne peuvent toujours concorder ensemble.

Le retour aux corps d’armée permanens était déjà arrêté en principe lorsqu’en face des complications orientales il a été procédé à la formation d’un certain nombre de ces corps. Sur le territoire russe, les chefs de corps restent subordonnés aux commandans de la circonscription dans laquelle séjournent leurs troupes. Pour être à la portée du théâtre possible de la guerre, les troupes russes sont d’ordinaire échelonnées le long des frontières occidentales de l’empire ou le long des chemins de fer qui pourraient au besoin les transporter sur le point menacé. De là en tout temps l’inégalité des forces réparties dans les diverses circonscriptions : ce manque de concordance entre les différens corps d’armée et les circonscriptions de recrutement rend naturellement la mobilisation plus lente et plus difficile. Pour parer à ce défaut, les troupes régulières sont divisées en troupes de campagne ou troupes mobiles (podvijnyia voïska) et troupes locales ou sédentaires (mestnaiia voïska). Les premières, tenues en garnison en temps de paix et toujours