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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/754

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l’autre dans leur sphère, de les rendre à leur spécialité. C’est ainsi qu’en réduisant son rôle dans la société ou le gouvernement, on a fortifié dans l’armée les études techniques et l’esprit militaire. Le niveau intellectuel des officiers a pu s’élever pendant que s’abaissait leur niveau social, et leurs connaissances militaires s’approfondir pendant que se rétrécissait le cercle de leur activité.

Il y a quelques années, la masse des officiers russes était peu instruite. Les programmes d’admission des écoles spéciales ont été étendus tout en augmentant le nombre des élèves. La durée des cours des écoles de junkers est de deux ans, mais jusqu’aux derniers temps le peu d’instruction d’un grand nombre de jeunes gens obligeait à consacrer presque exclusivement la première année à l’enseignement général, de sorte qu’il ne restait guère qu’un an pour les études techniques. Les listes d’entrée dans ces écoles montrent que la composition sociale de l’armée est en train de varier. Le nombre des élèves appartenant à la noblesse est en diminution sensible ; en 1872 il était encore de 81 pour 100, en 1875 il était déjà tombé à 72 pour 100. C’est là encore un des symptômes de la transformation sociale de la Russie ; il n’y faudrait pas voir une cause d’affaiblissement pour l’armée. Les jeunes gens des classes non privilégiées qui entrent au service n’ont à compter pour leur avancement que sur leur travail, tandis que la noblesse peut encore au régiment se fier à quelques privilèges ou à des protections. La différence du niveau social se fait toujours cependant sentir dans les relations mondaines : sous ce rapport, il y a une grande inégalité entre la garde et la ligne : les officiers de la première, tous sortis de bonnes familles, sont d’ordinaire les seuls reçus dans le monde. A cet égard, les prérogatives de la garde et l’existence de corps privilégiés ne sont peut-être pas sans inconvénient.

Si l’instruction de la masse des officiers laisse parfois encore beaucoup à désirer, l’état-major peut soutenir la comparaison avec celui des autres armées de l’Europe. Rien n’a été négligé pour son instruction théorique et pratique. A l’exemple de la Prusse, le ministre de la guerre a institué pour l’état-major des voyages stratégiques auxquels peuvent prendre part les officiers supérieurs des régimens et dont le ministère de la guerre publie souvent les résultats. Une chose dont on a fait un certain bruit en Occident et en Russie même, c’est le grand nombre d’officiers de sang et de nom allemands qui se rencontrent dans l’armée et spécialement dans l’état-major. On se rappelle cette prétendue statistique d’un journal de Pétersbourg qui sur 100 officiers supérieurs en relevait près de 80 d’origine germanique. Il ne faut pas prendre de tels chiffres à la lettre ; le nombre des officiers de race allemande a de tout temps été considérable dans les hauts rangs de l’armée russe, il s’explique