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par les traditions militaires et la fréquente supériorité d’instruction de la noblesse des provinces baltiques. Ce serait un étroit et imprudent chauvinisme que de voir là une anomalie ou un danger pour l’empire. Beaucoup de ces officiers n’ont d’allemand que le nom, et presque tous ont leurs intérêts et leurs affections en Russie : l’injuste méfiance de leurs compatriotes moscovites pourrait seule les en détacher. De Munich à Totleben et à Kauffmann, le riche sang germanique a fourni à la Russie comme à la France un bon nombre de ses plus illustres généraux, et, pour la plupart, ces Allemands-Russes au service du tsar sont aussi bons Russes que Kléber, Kellermann ou Ney étaient bons Français.

Les écoles militaires ne sauraient en Russie suffire au recrutement des officiers. Le niveau peu élevé de l’instruction générale, la séparation des diverses classes sociales y rendent plus difficile de pourvoir à tous les grades, à tous les emplois militaires dont les nouvelles lois ont encore accru le nombre. Une institution déjà ancienne et spécialement remaniée, le volontariat, est chargée de combler ces vides et de satisfaire aux besoins nouveaux. Ce volontariat n’a rien de commun avec ce qu’on appelle du même nom en France ou en Allemagne. Tandis que le nôtre a été institué dans l’intérêt des carrières civiles, des études ou de l’industrie, le volontariat russe a été créé dans l’intérêt du recrutement de l’armée ; c’est pour elle une pépinière d’officiers et de sous-officiers. Les droits et l’avancement des jeunes gens entrés au service avec ce titre d’okhotniki varient suivant leur degré d’instruction ; ils sont à, cet égard classés en trois catégories, mais ne sont également promus à un grade qu’après examen. En cas d’échec dans ces épreuves successives, les volontaires demeurent soldats ou sous-officiers pendant toute la durée du service légal. Le nombre de ces aspirans à l’épaulette est d’une douzaine de mille ; en dehors des armes spéciales, plus de la moitié des officiers subalternes, sortent de leurs rangs.

En Russie comme ailleurs, le recrutement des officiers) présente peut-être encore moins de difficultés que celui des sous-officiers. Sous l’ancien système militaire, avec un service de quinze ou vingt ans, il était aisé d’avoir de bons cadres ; il n’en est plus de même aujourd’hui. La nouvelle organisation a considérablement augmenté les besoins en même temps qu’elle réduisait le nombre des hommes aptes à l’emploi. Là, comme partout, on s’est ingénié à trouver des moyens de retenir les vieux soldats sous les drapeaux, leur offrant des avantages matériels et des distinctions honorifiques, chevrons et médailles d’or et d’argent, leur permettant le mariage, accordant même à leurs femmes un logement dans les bâtimens