Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 21.djvu/762

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ustensiles et les armes, où le bronze seul venait d’être employé. Les plus anciens objets de fer qu’on ait trouvés sont des bijoux et des parures, car dès ces temps reculés il y eut des riches et des pauvres, et ceux-là seuls pouvaient acquérir des objets de fer qui avaient d’autres objets de valeur à donner en échange. Ne voyons-nous pas le même phénomène se produire sous nos yeux ? Nous avons assisté, il y a quelques années, sinon à la découverte, du moins à l’extraction économique de l’aluminium. Ce métal, jusque-là confiné dans les laboratoires, est devenu un produit industriel ; mais comme la préparation en est encore coûteuse, il vaut deux fois l’argent et ne fournit guère que des parures et des ustensiles de luxe. Cependant il n’est pas moins répandu que le fer dans la nature : il est la base de toutes les argiles ; de plus il a des qualités qui peuvent, qui doivent le faire préférer dans certains cas à l’argent, au cuivre, au fer même. Il suffira pour cela que de nouveaux procédés d’extraction le rendent aussi abondant que ces derniers.

Le fer n’a point fait cesser l’usage du bronze, puisqu’il dure encore, l’aluminium ou tout autre métal ne ferait point abandonner le fer ; mais une matière nouvelle peut répondre à certains usages mieux que celles qui l’ont précédée, et c’est pour cela qu’elle en prend la place. On a fabriqué longtemps des haches de pierre, puis on a cessé d’en faire quand on a pu s’en procurer en bronze ; les haches de bronze ont régné seules pendant des siècles, puis ont disparu quand le fer est devenu assez commun pour lutter avec elles sur le marché. La période de transition du bronze au fer est parfaitement caractérisée sur un grand nombre de points dont nous parlerons. Il ne peut plus aujourd’hui rester aucun doute sur la réalité de cette phase, on commence même à connaître de quelle manière ce passage s’est accompli, et quelles routes les métaux ont parcourues pour atteindre, d’étape en étape, jusqu’aux régions les plus reculées de l’Europe septentrionale ; mais avant d’exposer ces grandes découvertes de nos jours, je dois esquisser la marche même que la science a suivie dans l’étude des âges antérieurs à toute histoire.


II

Nous n’avons pas à retracer ici le tableau des découvertes relatives à l’âge de la pierre et aux hommes de ces époques vraiment primitives. Les savans du premier empire et de la restauration avaient nié l’existence de ce qu’alors on appelait l’homme fossile : la science et la religion s’unissaient pour en repousser même la possibilité. On n’a point oublié les luttes qu’eut à soutenir Boucher de Perthes quand il annonça la découverte des restes d’un