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tel homme dans les alluvions anciennes d’un département du nord. Sa découverte fut poursuivie par le sarcasme des uns et le fanatisme des autres jusqu’au jour où une nouvelle génération de savans en reconnut l’authenticité. Bientôt on trouva de tous côtés des squelettes d’hommes fossiles et des restes de leur industrie. Le nom de Lartet demeure attaché à l’exploration des cavernes du Périgord et du Languedoc, les noms de Thomsen et de Nilsson aux antiquités préhistoriques du Danemark, et le nom de Keller aux habitations lacustres de Zurich. Depuis lors Boucher de Perthes est regardé comme le créateur d’une science nouvelle qui forme le passage entre la géologie et l’archéologie des temps historiques.

Cette science toute récente est aujourd’hui en possession d’un nombre immense de faits observés ; elle a conscience de sa méthode, ses cadres sont tracés, ses résultats généraux peuvent déjà s’apercevoir. Parmi les hommes qui ont le plus concouru à ses premiers développemens, on ne rencontrera qu’un petit nombre d’érudits ; presque tous sont des hommes de science, des géologues, des physiologistes, des ingénieurs, des chimistes, et parfois même des amateurs cultivant la science pour le plaisir qu’ils y trouvent et pour charmer leurs loisirs. Les textes avaient été longtemps l’unique moyen d’investigation dont on crût pouvoir disposer ; mais les textes les plus anciens sont en réalité très récens, si on les compare à ces longues périodes qu’a traversées l’humanité dans son enfance. Les auteurs grecs les plus anciens, ceux qui, sous le nom réel ou supposé d’Homère, nous ont légué l’Iliade et l’Odyssée, vivaient dans l’âge du fer ; ils racontaient des événemens déjà bien éloignés d’eux et qui, s’ils sont réels, s’étaient accomplis selon toute apparence en plein âge du bronze. Cela n’empêche pas l’auteur de l’Iliade, et bien plus encore celui de l’Odyssée, de mettre le fer entre les mains de ses héros ; les poètes transportaient ainsi dans le passé une chose qu’ils avaient sous les yeux et que le passé n’avait point connue. L’Égypte n’avait pas encore fourni les documens qu’elle commence à nous livrer ; on ignorait que les quatre premières dynasties au moins sont antérieures à la connaissance du fer dans ce pays. Les hymnes du Véda, pour servir comme documens scientifiques, devraient d’abord être classés suivant un ordre chronologique et rapportés, si cela est possible, à des époques certaines et déterminées : l’indianisme paraît encore loin de pouvoir rien affirmer à cet égard. Quant à la Genèse, on sait que son origine est un objet de discussion entre les savans, que si les uns, fidèles à l’orthodoxie, l’attribuent simplement à Moïse, les autres en rejettent l’authenticité et la considèrent même comme formée par la réunion en un même livre de deux traditions opposées. Quoi qu’il en soit, et en admettant l’authenticité de la Genèse, on est du moins certain que son auteur n’avait