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gisemens cachés. Les premiers sont les grottes, les dolmens et les palafittes, ou habitations lacustres ; les autres sont les trésors, les fonderies, les stations isolées et les sépultures en plein champ.

On sait que les cavernes furent les premières habitations des hommes et qu’ils y séjournèrent non-seulement pendant tout l’âge de la pierre, mais aussi pendant celui du bronze. On trouve des grottes habitées dans toute l’Europe. Les plus intéressantes peut-être sont celles du centre de la France et des rives de la Meuse. Celles-ci ont l’avantage de se présenter à trois niveaux différens, répondant à trois hauteurs successives du fleuve qui a baigné leur seuil. Les plus hautes offrent, superposées, des couches de débris humains de trois époques consécutives : celles du métal, de la pierre polie et de la pierre brute. Celle-ci, qui est au-dessous des deux premières, ne se rencontre plus aux deux autres hauteurs, qui étaient alors cachées sous les eaux, car la Meuse à Dinant n’avait pas moins de trois lieues de largeur. Elle offre, mêlés aux restes humains, des os de mammouth, d’hyène, d’ours, de renne, animaux qui peuplaient alors la France et la Belgique ; les habitans de ces cavernes modelaient des vases de terre, mais ignoraient l’art de les cuire, quoiqu’ils connussent le feu. M. Dupont[1], à qui nous empruntons ces détails, estime que, durant la période des mammouths, la largeur de la Meuse à Dinant tomba de 12 kilomètres à 400 mètres, qui est la distance des cavernes du milieu. Elle n’en a plus aujourd’hui que 30. Les couches moyennes, qui gisent au-dessus de celle du mammouth, répondent à l’époque du renne : les grottes que l’on nomme dans le pays trous des Nutons, de Chaleaux, du Frontal, en sont de frappans exemples ; les débris d’industrie humaine y sont emprisonnés sous une couche d’argile jaune qui les recouvre. On n’y trouve plus d’ossemens de mammouth ou d’hyène, mais seulement ceux d’espèces encore vivantes : le loup, le renard, le cerf, le chamois, le renne. Il n’y a pas encore de pierres polies, on n’y observe aucune trace de métal, les poteries y sont faites à la main et n’ont pas été cuites ; de petites pierres, des fragmens d’os, des dents d’animaux ou des coquilles fossiles percées d’un trou fournissaient la parure de ces populations.

La troisième couche, répondant aux cavernes inférieures sur les rives actuelles de la Meuse, est celle de la pierre polie ; c’est l’époque des dolmens et de certaines cités lacustres de Suisse, de Savoie et d’Italie. L’argile jaune a disparu ; le renne, l’élan, l’aurochs, le castor, ont disparu également. Les haches de pierre sont polies et percées pour recevoir un manche ; les poteries sont cuites : cette époque n’a laissé que peu de débris dans les cavernes, mais on en

  1. L’Homme pendant l’âge de la pierre.