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propre compte en négociation avec les princes allemands et avait protesté de son grand désir de voir « le saint Évangile presché partout le royaume de France. » Il demandait à entrer dans la confédération germanique. Charles-Quint et François avaient tous deux soufflé sur ces chimères ; le premier avait rétabli son autorité dans les duchés de Clèves et de Juliers ; le second avait pris lui-même le titre de duc de Luxembourg. Le roi destinait son fils à une fille de l’empereur et se promettait le Milanais de cette union ; mais le jeune prince, âgé seulement de vingt-trois ans, tomba malade à l’abbaye de Forestmoutiers, près d’Abbeville, et mourut au bout de sept jours de fièvre. François Ier était inconsolable : « Lors il joignit les mains contre le ciel, y adonnant aussi son regard et dit avec bien grande exclamation : « Mon Dieu, que t’ay-je fait, en quoy t’ai-je despleu de m’avoir osté celluy par lequel la chrétienté pouvait demeurer en perpétuel repos et quiétude, celluy qui eust nourri la paix et tranquillité entre les princes ? » (Lettre de l’ambassadeur d’Espagne.) Charles-Quint écrivit à François Ier une lettre de condoléance, et François Ier lui répondit en « priant Dieu vous donner grâce de n’avoir jamès besoin d’être consolé en tel endroict ny de sentir quelle douleur cest de la perte d’un fils. »

il y avait toute chance pour que Jeanne d’Albret, qui avait six années de moins que le duc d’Orléans, épousât ce prince s’il avait vécu, car jamais Charles-Quint n’eût consenti à donner le Milanais en dot à une princesse de sa maison. Restaient le duc de Vendôme et le comte d’Aumale. Le premier, Antoine de Bourbon, gouverneur de Picardie, s’était bien comporté dans la campagne de 1543, mais le comte d’Aumale, son lieutenant, l’avait éclipsé et avait déployé ces qualités qui devaient plus tard l’illustrer comme duc de Guise. Il courtisait la mort, se montrait dans les tranchées vêtu de blanc, avançait jusque sous les murs des villes assiégées : il avait été blessé au siège de Luxembourg.

François Ier n’eut pas le temps de chercher lui-même un époux pour Jeanne d’Albret. Ses derniers jours furent affligés par la mort accidentelle du comte d’Enghien, le jeune vainqueur de Cérisoles, par les froideurs du dauphin, dont la maîtresse, Diane de Poitiers, était l’ennemie de la duchesse d’Etampes. Le roi mourut sans faire ses adieux à sa sœur Marguerite, qui était dans le Béarn et qu’il avait toujours aimée d’une affection tyrannique, mais sincère. Henri II, monté sur le trône, dut s’occuper de chercher un mari pour Jeanne d’Albret ; rien n’attirait plus la reine de Navarre à la cour de France ; le connétable, son ennemi, avait repris le pouvoir avec cette sorte d’âpreté qui succède aux longues disgrâces : Henri II envoya en Béarn le cardinal d’Armagnac, qu’il savait aimé de la maison d’Albret. Le cardinal était chargé de demander la main, de Jeanne ruop