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MM. Bérenger, Mauguin et Madier de Montjau. Les tambours battirent aux champs. — Pourquoi cet appareil ? demanda M. Madier de Montjau au général Daumesnil. — La souveraineté ne réside-t-elle pas dans la chambre dont vous êtes les représentans? répondit le gouverneur. — A en croire les récits du temps, les commissaires n’étaient pas d’accord sur le cérémonial de la réception qui devait leur être faite. Contrairement à l’avis de MM. Bérenger et Madier de Montjau, leur collègue M. Mauguin avait exigé que la mission dont ils étaient investis fût entourée de solennité, et s’il se montra satisfait de l’accueil qu’ils reçurent, il ne le fut pas de la modestie du cortège qui les conduisit à Vincennes. M. Denis-Lagarde, secrétaire rédacteur de la chambre, les accompagnait en qualité de greffier. A midi et demi, M. de Polignac comparut devant eux; MM. de Peyronnet, de Chantelauze et de Guernon-Ranville lui succédèrent. Les anciens ministres se montrèrent, dès ce premier moment, tels qu’ils devaient être au cours du procès : M. de Polignac, pénétré de l’excellence de sa cause et de la légitimité de sa conduite, rempli de confiance dans l’issue des débats, semblant ne pas comprendre la gravité des griefs invoqués contre lui; M. de Peyronnet, solennel, digne, avec cette nuance de forfanterie qui lui était propre; M. de Chantelauze, presque dédaigneux pour des juges dont il ne reconnaissait pas la compétence, se laissant arracher les paroles, ne répondant aux questions que contraint et forcé ; M. de Guernon-Ranville s’appliquant honorablement à ne pas séparer sa cause de celle de ses collègues, mais en même temps s’expliquant avec netteté sur la résistance opposée par lui aux ordonnances, « encore qu’il les eût signées, dit-il, parce qu’il les croyait autorisées par l’article 14 de la charte ; » tous d’ailleurs unanimes à ne pas trahir le secret de leurs délibérations, empressés à couvrir le roi et exprimant l’avis que la chute de Charles X dégageait leur responsabilité.

Les commissaires apportèrent les plus grands égards dans l’accomplissement de leur mission. On raconte qu’à l’aspect de M. de Chantelauze, qu’il avait autrefois connu, M. Mauguin fondit en larmes et lui tendit la main. Un fragment de l’interrogatoire de M. de Polignac, copié sur la minute du greffier, aux archives de France, achèvera de faire revivre aux yeux du lecteur la physionomie de ce premier acte de la procédure. — D. Prince de Polignac, reconnaissez-vous votre signature au bas des ordonnances? — R. Je la reconnais. — D. Avez-vous participé à celles qui ne portent pas votre nom? — R. Comme ministre, oui. — D. Quel est le rédacteur du rapport au roi? — R. Je ne peux le nommer. — D. Qui est-ce qui a envoyé aux députés les lettres closes pour les convoquer? — R. Je l’ignore. — D. Quels motifs ont fait confier le commandement au duc de