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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/166

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Réserve-les donc à cet usage ; ce sera pour moi un bien grand plaisir que de t’avoir épargné cette dépense et une petite gloire que d’employer mon argent pour mon instruction. »

Dans la même lettre qui contient ces lignes touchantes se trouvent ces paroles non moins expressives, sorties simplement du cœur, écrites sans la moindre prétention : « J’ai acheté hier les psaumes de David, pour lesquels j’ai un goût singulier ; il me semble que je ne trouve nulle part de si grandes idées. » Est-ce cette lecture des psaumes, cette habitude des grands élans de l’âme qui a soutenu le bon travailleur dans la lutte où il s’acharne ? Assurément la vocation n’y est point. Il faut qu’il se surmonte lui-même et que toutes les forces de l’esprit soient en jeu. A l’amour que lui inspire sa mère, l’entraînement du psalmiste met un aiguillon de plus. Aussi, deux mois plus tard, quand les bulletins promettent davantage, quand la mère prend confiance, c’est sur le ton du psalmiste que l’écolier exprime sa joie : « Je te remercie, ma chère mère, d’avoir quelques espérances sur moi ; elles font ma gloire, ma joie, en même temps elles redoublent mon courage. Ce sont pour moi les premiers applaudissemens qu’on donne à l’athlète qui sort de la carrière. Je sens maintenant le bonheur qui consiste à plaire à ce qu’on aime ; le désir d’y parvenir rend l’homme le plus médiocre capable des plus grandes choses. Quelle douceur de se dire : J’ai travaillé au-dessus de mes forces, mais ce que j’aime m’en sait gré, mais c’est pour ce que j’aime ! »

Malheureusement il ne suffit pas toujours de travailler au-dessus de ses forces. Malgré tant d’application, en dépit d’une volonté si tenace, le jeune aspirant finit par comprendre qu’il aurait tort de concourir cette première année. Son professeur, M. Clerc, le lui dit avec autant de bonté que de sagesse : il s’exposerait à un échec presque certain, et à supposer par impossible qu’il réussît, dans quel rang serait-il admis ? Dans les derniers sans nul doute. Ne vaut-il pas mieux attendre une année, et se présenter à coup sûr ? Edgar Quinet transmet à ses parens ce judicieux conseil du maître, mais avec quelle précaution ! avec quelle timidité ! avec quel emploi des raisons les plus persuasives ! Comme on voit bien qu’il tremble à l’idée de chagriner une mère comme la sienne ! un seul mot de reproche, il se sentirait foudroyé. La bonne mère a tout compris, elle approuve l’ajournement des épreuves, et il faut voir de quel poids est soulagée la conscience de l’étudiant : « Je viens de recevoir, chère mère, ta lettre qui me tire de beaucoup d’inquiétude. Je craignais que ce retard de mon examen ne te parût très funeste, qu’il ne dérangeât tes plans, tes espérances. J’avais bien le sentiment de mon entière innocence, je voyais assez qu’il n’y avait nullement de