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bois de Certines s’est soumis résolument au labeur qui doit lui assurer sa carrière.

La jeunesse du maître a toujours devant soi
Un austère devoir, une rigide loi ;
Elle veille et combat, sachant qu’en ces années
Il lui faut de ses mains bâtir ses destinées.


La grande préoccupation d’Edgar Quinet pendant ces années du collège de Lyon, c’est le souci consciencieux de l’avenir. Le père écrit peu, car il est d’humeur sévère et porté à tenir ses enfans à distance, mais on devine le fond de sa pensée, et comme il a toujours travaillé pour subvenir au bien-être des siens, le fils, si droit, si honnête, se ferait un cas de conscience de ne pas répondre à ce qu’il attend. La mère, aussi expansive que le père est taciturne, entretient chez son fils ces loyales dispositions. Tantôt elle l’anime et l’encourage, tantôt, si elle voit que la rêverie reprend le dessus, elle le raille. Rien de plus touchant que ce dialogue de la mère et du fils. Le fils est si tendre, si dévoué ! il a tant d’admiration pour cette mère si belle, si bonne, si spirituelle ! il se reproche avec tant de franchise de ne pas avoir mieux profité de ses enseignemens ! N’est-elle pas la grâce elle-même ? telle il l’a décrite dans l’Histoire de ses idées, telle on la trouve dans les effusions de ses quinze ans. Voyez l’élève du collège de Lyon, le futur poète d’Ahasvérus, de Napoléon, de Prométhée, se préparer aux examens d’admission à l’École polytechnique ; il est tout à son affaire, la musique, la lecture des poètes, ne lui sont pas une distraction, elles ne servent qu’à le délasser, car il ne perd pas de vue un seul instant le but qu’il veut atteindre. Entrer à l’École polytechnique, avoir sa carrière assurée, surtout n’être plus un sujet d’inquiétudes pour sa mère, quels transports de joie lui donne cette espérance ! Ses maîtres sont contens de ses efforts ; il est vrai qu’il a des camarades plus avancés, des camarades qui ont une année de plus que lui en mathématiques. Est-ce une raison pour se décourager ? Non certes. S’il n’est pas tout de suite des premiers, il s’empresse de rassurer sa mère : « Mon bulletin t’a peut-être fait de la peine, s’il ne répond pas à tes espérances, ne m’accuse pas, ma bonne mère ; je travaille tant que je puis, mais comment arriver aux premières places ? Les élèves qui font ce cours pour la seconde année ont trop d’avantages sur moi pour que je les surpasse. Tu voulais prendre encore sur ta petite rente l’argent nécessaire pour deux mois de répétitions ! N’aimerais-je pas mieux travailler jour et nuit, s’il le faut, que d’abuser ainsi de ta bonté ? Les. 50 francs d’étrennes de ma tante, dont tu m’as permis de disposer, pourront-ils m’être plus utiles ?