sans influer sur ses relations avec les autres peuples. Partant il ne saurait lui convenir de traiter l’opinion des autres avec un superbe dédain, et il ne peut lui être indifférent que telle crise de sa vie intérieure ait pour conséquence de contrister ses amis ou de réjouir ses ennemis.
Le 16 mai, personne ne le nie, a excité en Europe la plus vive surprise, et M. le duc Decazes lui-même n’a point prétendu que cette surprise ait été agréable. On a eu sans doute les meilleures intentions, mais il est à craindre qu’on ne s’y soit mal pris ; dans le trouble d’une action précipitée, on n’a pas eu le loisir de sauver les apparences. Depuis ses désastres, la France avait reconquis par sa noble et prudente conduite la faveur universelle ; elle s’était fait beaucoup d’amis en Europe, et ces amis estimaient qu’elle était en bonne voie, que cette convalescente ne tarderait pas à rentrer en possession de toute sa santé. — La France, disaient-ils en anglais, en italien, même en allemand, a su mettre à profit les dures expériences qu’elle vient de faire, ses malheurs l’ont instruite, et elle a pris les meilleurs moyens de les réparer. Elle s’est donné une constitution qui n’est peut-être pas un chef-d’œuvre, mais qui est un compromis utile et sensé, auquel a collaboré le patriotisme de tous les partis. Ils paraissent s’être mis d’accord pour la respecter, pour en faire l’essai loyal et le meilleur usage possible, en attendant le jour de la révision où il sera permis de l’améliorer. A toutes leurs qualités naturelles, il semble que les Français d’aujourd’hui se piquent de joindre les vertus qu’on se plaisait à leur refuser, la sagesse qui tient compte des circonstances, la patience qui laisse aux questions le temps de mûrir, l’esprit de légalité qui préfère aux coups de force les solutions lentes et sûres, l’esprit de transaction qui est le secret de la bonne politique. Un pays où tout le monde s’accommode d’une constitution dont personne n’est absolument content est un pays dont l’apprentissage politique est fort avancé, et il pourra sous peu servir d’exemple à ceux qui se targuaient de lui donner des leçons.
Tout à coup l’Europe a appris qu’une crise s’était produite à Versailles, que l’un des pouvoirs constitutionnels dont l’équilibre et l’entente sont nécessaires à la paix publique avait manqué de patience, qu’il s’était lassé de transiger, qu’il venait de faire un éclat. Cet incident n’était pas seulement grave, il était soudain, il était inopiné, rien ne l’annonçait, rien ne l’avait fait pressentir ; la foudre avait grondé subitement dans un ciel où ton apercevait des nuées, mais qui n’était pas un ciel d’orage. Le premier jour, l’Europe s’est trompée : elle a soupçonné M. le maréchal de Mac-Mahon d’avoir voulu faire un coup d’état, ce n’était qu’un coup d’autorité, et ce coup d’autorité était strictement et rigoureusement légal ; mais, comme l’a remarqué un spirituel écrivain, la légalité est la chose du monde dont il faut le moins abuser. Ce que vient de faire le président de la république française,