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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/244

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l’empereur François-Joseph, dans le parti militaire, dans l’ancien parti de la cour, des impatiences, des velléités d’intervention d’accord avec la Russie. On se flatte de reconquérir l’ascendant des armes, de trouver dans des annexions en Orient une compensation de ce qu’on a perdu, de former, par un accroissement d’élémens slaves, un troisième royaume fait pour rendre l’éclat et l’équilibre à la monarchie des Habsbourg. » L’empereur lui-même, malgré la correction habituelle de son attitude, n’est pas toujours insensible à ces influences qui remuent sa fierté de souverain ; mais, dès que ces projets ont l’air de s’avouer, la résistance éclate dans le monde politique et parlementaire à Vienne comme à Pesth. On vient de le voir à propos du bruit de la mobilisation de deux corps d’armée. Des interpellations ont été adressées au chef du cabinet cisleithan, au prince Auersperg comme au chef du ministère hongrois, M. Tisza. Les Hongrois surtout sont aussi peu disposés que possible à une intervention dans le sens russe, à des annexions slaves. S’il y avait une nécessité évidente d’agir dans l’intérêt ou pour l’honneur de la monarchie, ils ne s’y refuseraient pas ; mais ils n’admettraient visiblement qu’une intervention destinée à contenir la Russie, plutôt favorable à la Turquie. Ils se prêteraient par exemple à l’occupation de la Serbie, si les Serbes voulaient reprendre les armes, et, par une coïncidence bizarre, ce sont les Hongrois qui dans ce cas soutiennent l’ancienne politique autrichienne, tandis que le vieux parti autrichien accepterait volontiers quelque coopération profitable avec la Russie. Le plus embarrassé dans tout de la est le comte Andrassy, homme d’habileté et d’esprit qui joue évidemment son rôle avec dextérité au milieu de toutes les influences, rassurant les Hongrois, évitant de trop décourager les espérances qui s’agitent autour de l’empereur, ménageant les relations de l’Autriche avec la Russie et comptant un peu sur l’imprévu. La marche des événemens de la guerre peut lui donner des raisons d’agir ou de rester au repos, de se borner à son rôle de diplomatie avisée et conciliante. Il est certes fort à souhaiter que les événemens tournent de façon à donner à l’Autriche des raisons nouvelles de s’en tenir à ses traditions. C’est la politique la plus prudente pour elle et la mieux faite aussi pour préserver ce qui reste d’équilibre en Europe en évitant d’aggraver toutes ces complications d’Orient.

CH. DE MAZADE.