monumens qu’elle renferme répondent d’abord à l’idée qu’on s’en faisait. On s’empresse, dès qu’on y arrive, d’aller voir les ruines antiques dont on a tant entendu parler ; mais ces ruines sont d’ordinaire engagées dans des maisons modernes, et cet entourage médiocre empêche au premier moment d’en saisir toute la beauté. On court visiter les vieilles églises qui remontent aux premiers siècles du christianisme ; mais, comme elles ont été très souvent réparées et rajeunies, elles ont beaucoup perdu de leur véritable caractère et de leur originalité primitive. On n’en est guère frappé quand on ne les voit qu’en passant, et il n’est pas possible que ce coup d’œil rapide suffise pour les apprécier comme elles le méritent. On peut dire que Rome est traversée tous les ans par des milliers de voyageurs pressés qui, ne s’étant pas donné le temps de la voir, n’emportent d’elle qu’une impression incomplète. Quelques-uns, les plus courageux et les plus sincères, osent avouer leur désenchantement ; les autres admirent de confiance et de parti-pris, pour faire comme tout le monde, et n’avoir pas perdu leur voyage. Ne faisons pas comme eux ; prenons la peine de revoir plus d’une fois ces belles ruines qui nous avaient laissés d’abord indifférens ; que l’imagination aide les yeux à les comprendre ; tâchons de les isoler par la pensée de ces voisinages fâcheux qui les déparent, entourons-les des grands souvenirs qui les relèvent, et nous sommes sûrs qu’alors tout changera d’aspect pour nous.
C’est donc une étude que de comprendre et de connaître Rome, une étude qui exige du temps et demande quelques efforts ; mais ce temps est bien employé, et ces efforts nous promettent un des plus grands plaisirs qu’un homme intelligent puisse se donner. Loin que ce plaisir soit moins agréable pour s’être fait quelque temps attendre, nous lui trouvons au contraire un charme particulier parce qu’il est pour ainsi dire notre ouvrage, que nous le devons en partie à nous-mêmes et que nous nous savons gré de ce que nous avons fait pour le conquérir. Ce qui le complète et l’achève, c’est qu’il s’y joint une satisfaction secrète de soi et un certain sentiment de fierté, lorsqu’on songe qu’il est plus vif chez les esprits plus cultivés, qu’il exige qu’on soit familier avec le passé, qu’on en ait la pleine intelligence, et qu’enfin les ignorans et les sots né pourront jamais qu’imparfaitement le goûter. Les autres villes, même celles que nous aimons le plus, ne nous rendent contens que d’elles ; Rome a ce privilège unique de nous rendre à la fois contens d’elle et de nous. Ajoutons que le plaisir qu’on ressent à la visiter, s’il ne vient pas du premier coup, augmente toujours avec le temps. En étudiant tous ces monumens de plus près, nous y découvrons sans cesse des raisons nouvelles d’en être frappés ; plus nous les regardons, plus