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ambulant Pascarèl ; les mêmes goûts d’art et d’aventure, une vive sympathie mutuelle, les réunissent ; ils errent ensemble, eux et leur petite troupe, à travers l’Italie. Ce n’est peut-être qu’un prétexte pour nous faire connaître Bologne et Florence, la campagne du val d’Arno, Pise, Assise, Urbino, toutes les villes de la péninsule où le petit théâtre, porté à dos de mulets, sur la cime d’un char à foin, sur les épaules des paysans, va se planter pour le plaisir d’une foule exaltée. Après les voyages de Wilheim Meister et celui de Consuelo, nous ne connaissons rien d’aussi attrayant. Quiconque lira Pascarèl sera tenté de le prendre pour guide et de suivre son itinéraire. Citons cette apparition de Florence au tournant d’un chemin : « La route descendait dans une large vallée que blanchissaient les oliviers en fleurs..Au milieu de cette mer d’argent s’étendait la plus radieuse des cités. Le soleil couchant remplissait les moindres replis du val d’Arno d’une vapeur dorée sur laquelle la ville flottait comme sur un lac, ses clochers, ses dômes, ses tours, ses palais baignant à leur base dans des flots d’ambre pâle, tandis que leurs sommets se dressaient dans l’éther rosé. Les cimes de toutes les montagnes qui lui servent de ceinture se teignaient de nuances changeantes, depuis l’écarlate jusqu’aux pâleurs diaprées de l’opale. La chaleur, les parfums, le silence, une grâce ineffable l’enveloppaient, et dans ce grand calme la cloche de la basilique appelait lentement à la prière du soir.

« Ce fut ainsi que Florence m’apparut. Un tremblement de joie passa dans mes veines tandis que j’apercevais les ombres de ses toits pressés, les silhouettes élancées de ses temples. Enfin mes yeux la contemplaient donc, cette fille des fleurs, cette maîtresse des arts, cette nourrice de l’inspiration et de la liberté ! Je tombai à genoux, je remerciai Dieu… ; puis, me relevant, je continuai de descendre le rude chemin, guidée par le dôme qui brillait devant moi à travers ce brouillard d’or, tandis que des nuages de feu, légers comme un souffle, erraient au-dessus de ma tête dans l’atmosphère sans brise.

« Les rougeurs du couchant étaient encore chaudes quand j’atteignis les murs de la ville et que je m’enfonçai dans l’ombre de ses rues historiques… Quel est le secret du charme de Florence, de ce charme subtil et doux que le temps accroît au lieu de l’atténuer et qui fait qu’on l’aime d’une tendresse passionnée comme l’œuvre la plus séduisante qui soit jamais sortie de la main des hommes ? Peut-être vient-il de ce que l’histoire de Florence est si ancienne et sa beauté si jeune. Derrière elle s’ouvre un abîme de puissans souvenirs, et sur elle pleut le soleil de la gaîté, Ses pierres sont noircies par le sang de mainte génération, mais l’air qu’on respire est