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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/391

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embaumé de fleurs innombrables ; connaissez-vous ces visages dont les yeux ont une expression plus triste que les larmes elles-mêmes, tandis que le rire de leurs lèvres est une musique qui réjouit le monde ? Florence est ainsi. Le passé y est si près de vous ! À chaque pas, le pied du paysan l’effleure, un enfant peut le toucher de la main. Ce n’est pas un de ces passés morts que l’on enterre et que l’on oublie ; il brille toujours comme un joyau, et toujours l’antique grandeur apparaît à travers les choses les plus communes de la vie ; l’œil même des ignorans et des petits la perçoit. D’autres villes ont une aussi noble histoire et autant de trésors, mais aucune ne les a sans cesse présens, ouverts, accessibles à tous. Dans les rues irrégulières et sinueuses, bordées de loges et d’arcades, « ceux qui sont venus avant nous » marchent à nos côtés, nous tiennent compagnie, non comme des spectres redoutables, mais comme des amis, comme des frères, souriant et nous communiquant leurs pensées sublimes dans une familière causerie. »

Ce n’est pas seulement pour les choses de ce passé, toujours vivant, toujours jeune, que Ouida s’applique à nous pénétrer d’une sympathie tendre et intime, elle nous fait encore aimer le peuple, cette populace italienne qui est toute grâce, toute courtoisie, toute affabilité, toute obligeance, naïve jusque dans le mensonge, n’ignorant rien de ses antiques annales ni de ses grands hommes, dont elle parle aux étrangers avec un orgueil mêlé d’affection, comme le savetier de Bologne parla naguère du Carrache à Stendhal ; son rire est une musique, toutes les flammes de l’enthousiasme pétillent dans ses yeux, l’instinct du beau se révèle dans ses moindres attitudes, au point qu’il n’est pas de barcarole ni de facchino endormi sur un quai dont la pose ne puisse servir de modèle aux sculpteurs ; mais, pour que cette foule pittoresque ait toute sa valeur, il faut que le sentiment national l’électrise. Nous félicitons Ouida de l’avoir compris et d’avoir consacré à la liberté une note émue qui termine heureusement la composition quelque peu encombrée dont nous essayons de donner rapidement la substance. Pascarèl s’achève au bruit du canon et des hurrahs de triomphe ; la campagne dont Garibaldi fut le héros a commencé, nous assistons aux combats glorieux qui amènent la délivrance de l’Italie. L’un des vaillans qui ont coopéré avec le plus d’ardeur à cette grande œuvre est le pauvre comédien devenu soldat. Il retrouve à Florence, où le peuple l’acclame et le traite en idole, sa Donzella chérie qu’une jalousie chimérique avait séparée de lui, et les soupirs de l’amour heureux Viennent se mêler au concert bruyant de l’allégresse populaire. L’Italie est libre, et ils s’aiment à jamais !

On ne saurait trop louer la scène finale entre les deux amans,