Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/550

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une fameuse courtisane, la Ceccha Buffona, et, comme elle a osé enfreindre les ordonnances en se promenant masquée au cours ainsi qu’une femme du monde, le cardinal Pallotta, gouverneur de Rome, qui n’entend pas raillerie, la fait fouetter par les carrefours malgré les vives réclamations d’Antoine. Tandis que le cardinal- archevêque de Lyon, Richelieu, quitte son siège pour embrasser l’ordre austère des chartreux, les Médicis, les Durazzo, les Hesse, les Vidman, et bien d’autres encore, mènent à Rome la vie licencieuse du coadjuteur de Paris.

Parmi les cardinaux, plus d’un a porté les armes au service soit du pape, soit de l’empereur; tels sont les Savelli, les Grimaldi, les Trivulce, les Mazarin, les Barberini. Ces derniers ont fait la guerre avec la férocité du moyen âge. Plus d’un membre du sacré-collège semble plutôt appartenir au XVe qu’au XVIIe siècle. Le cardinal Brancaccio, évêque de Capuccio, dans le royaume de Naples, ayant eu un différend avec un capitaine d’infanterie espagnole, fait expédier son homme d’un coup d’arquebuse. Tel autre fait mourir aux galères un de ses ennemis à coups de nerf de bœuf; il en est qui se contentent d’une simple bastonnade. Je vois dans quelques documens de l’époque que les galanteries de Mazarin, pendant qu’il était au service du pape, lui attirèrent plus d’un duel et qu’il reçut plus d’une estafilade. La relation ajoute qu’il était fort méchant joueur, ce qui confirme ce qu’a dit Retz sur ce chapitre. Enfin, dernier trait, vraiment caractéristique : parmi les cardinaux instruits, il en est qui cultivent en secret l’astrologie et qui ne sont pas plus croyans que le coadjuteur de Paris. Tel était le sacré-collège au moment où Retz se donnait tant de mal pour en faire partie


III.

Panzirolo, comme nous l’avons dit, était parvenu, quelques mois avant sa mort, à éloigner du palais la signora Olimpia. Pendant cette éclipse de faveur, plus apparente que réelle, la princesse de Rossano était rentrée en grâce auprès du pape, ainsi que son mari don Camillo. Bientôt elle s’insinua si avant dans le cœur d’Innocent par sa douceur naturelle, par ses prévenances, par son esprit et sa grâce séduisante, que le vieillard ne pouvait plus se passer de sa vue et que la signora Olimpia en conçut une terrible jalousie. La faveur naissante de la princesse de Rossano tombait juste au moment de la nomination du coadjuteur au cardinalat, et comme les Aldobrandini comptaient plusieurs alliances avec les Gondi de Florence, Retz n’eut pas de peine à se rendre favorable la