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la maison du vicaire de Jésus-Christ[1]. » L’ambassadeur vénitien Quirino dit que Chigi possédait, entre autres qualités, « la vivacité de l’esprit, la soudaineté des ressources, la pénétration et la facilité dans les résolutions. » C’était un homme fort lettré, quelque peu poète et d’un esprit fécond en saillies.

Parfois il lui échappait des mots aussi fins qu’amers sur le compte de la signora. Aux fêtes de Noël de l’année où nous sommes il déclara « qu’il n’avait point d’or à lui donner, qu’il ne voulait pas lui offrir d’encens, que la myrrhe ne lui était point agréable, et qu’ainsi il ne lui restait aucune matière à lui présenter[2]. » Monsignor Chigi n’était donc pas fort abordable pour quiconque eût voulu le gagner par les moyens mis en œuvre à cette époque dans cette cour corrompue. Le coadjuteur en fut averti et donna le conseil à l’abbé Charrier de sonder prudemment le terrain avec les plus grandes précautions, avant de se hasarder à offrir des cadeaux à un tel personnage.

Retz fondait plus d’espoir sur un homme fort capable de le comprendre, d’entrer dans ses vues et de ne rien refuser. C’était monsignor Azzolini, secrétaire des brefs, esprit délié s’il en fut, l’un des hommes les plus habiles de la cour de Rome et qui fut sans contredit un des diplomates des plus remarquables de son temps. Il était de la même famille que Retz par son intelligence, son esprit, son instruction, sa grâce, son enjouement, son insinuation, comme aussi par la corruption de ses mœurs. Il jouit de son vivant d’une éclatante célébrité. Il n’était point encore cardinal, il ne le fut qu’en 1654. Favori de la reine Christine de Suède, il fut, comme on le sait, son légataire universel. Azzolini était un trop fin politique pour se brouiller avec la signora Olimpia; loin de là, il avait mis à son service toutes les ressources de son génie d’intrigue. Il fut même assez habile, non-seulement pour trouver grâce devant l’austérité de Chigi, mais pour s’insinuer très avant dans sa confiance. A la tête de l’escadron volant, il contribua plus que personne à son élection au pontificat. Le coadjuteur, qui connaissait à fond la cour romaine, ne négligea rien pour se rendre favorable Azzolini : il y réussit pleinement; deux hommes pareils ne pouvaient manquer de s’entendre. Retz n’a pas oublié dans ses Mémoires de rappeler les services que lui rendit l’habile secrétaire des brefs.

L’affaire de son chapeau devait être officiellement dirigée à Rome par l’ambassadeur de France, qui avait, comme nous l’avons dit, un intérêt tout personnel à le faire échouer. Henri d’Étampes, chevalier

  1. Vita di Alessandro VII, da Pallavicini.
  2. Ibid.