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horribles traitemens quatre officiers irréprochables arrivèrent à la prison, nous l’avons dit.

Le comité central, instruit des faits qui venaient de se passer, déclara que c’était un malentendu regrettable et que les généraux devaient être remis en liberté. C’était fort bien ; mais on comptait sans les fédérés du IXe secteur, qui, se sachant les maîtres sur leur territoire, ne reconnaissaient d’autre autorité que la leur, et, tenant à leur proie, étaient très résolus à ne pas la lâcher. Le soir même, on en eut la preuve. À neuf heures, deux personnes qui ne dirent pas leur nom et qui étaient le général Cremer et le docteur Aronssohn, se présentèrent chez M. Lefébure, porteurs d’un ordre signé : Lullier, général en chef, et enjoignant au directeur de la Santé de relaxer immédiatement le général Chanzy. C’était péremptoire : ordre d’arrestation signé du général Duval, ordre de mise en liberté signé du général Lullier ; tout cela se valait, et M. Lefébure ne demandait pas mieux que d’obéir. Cependant il réfléchissait, la situation n’était pas nette, et la libération lui paraissait inexécutable, car il avait compris qu’il n’était plus le maître dans sa prison. — Je suis prêt, dit-il, à faire lever l’écrou du général Chanzy ; mais les fédérés ne le laisseront pas partir, et nous nous exposons à le voir massacrer, si nous voulons passer malgré eux. — Le général Cremer se récria. — On fit appeler le chef de bataillon qui était de garde, et on lui montra l’ordre ; il répondit : — Je ne puis rien faire sans consulter mes hommes. — Il alla en causer avec ceux-ci, revint et dit : — Moi, je veux bien lâcher le général ; mais les soldats ne veulent pas ; ils prétendent que c’est un capitulard et se promettent de le fusiller s’il sort de la prison. — C’était clair. M. Lefébure engagea les amis du général Chanzy à aller voir Émile Duval ; celui-ci avait été chef de légion dans le XIIIe arrondissement, commandant du IXe secteur ; sa jeunesse, sa parole ardente, ses opinions blanquistes bien connues, lui avaient valu une grande popularité dans le quartier ; s’il signait un ordre d’élargissement, les fédérés de service à la Santé y obéiraient peut-être. Le général Cremer, le docteur Aronssohn, accompagnés du chef de bataillon, se rendirent à onze heures du soir à la préfecture de police, chez Duval, qui lut l’ordre signé de Charles Lullier, le déchira et déclara que la mise en liberté du général Chanzy serait le signal d’une insurrection.

Le lendemain, le vieux Charles Beslay, malgré ses soixante-seize ans, vint lui-même à la Santé dans l’espoir de pouvoir emmener avec lui le général Chanzy ; il disait : — Je n’ai pas l’honneur faire partie du comité central ; mais ces jeunes gens sont bons pour moi, ils m’écoutent et ne me désapprouveront pas. — Ce fut peine perdue. Il fut seulement permis à Charles Beslay de communiquer