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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/564

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avec le général, et de faire élargir, par ordre de Duval, le lieutenant Gaudin de Villaine[1]. Tout ordre, de quelque part qu’il vînt, qui n’était point accepté et approuvé par le secteur, était considéré comme non avenu. M. Sarazin, avocat, se présente à la Santé, muni d’une autorisation délivrée par Charles Lullier, pour voir le général Chanzy ; les sentinelles postées devant la cellule s’opposent à la visite et ne veulent reconnaître que la signature de leur chef immédiat ; on se rend à l’état-major du secteur, c’est-à-dire à la manufacture des Gobelins ; au-dessous du permis accordé par Lullier, on lit : J’autorise de communiquer avec le général Chanzy, pourvu que le sergent-major Bastard assiste à l’entretien. Le commandant par intérim du XIIIe arrondissement : CAYOLS. — Cette fois l’autorisation fut déclarée valable par le chef de poste, qui en réalité exerçait toute autorité dans la prison, car la visite put avoir lieu. — Entretien fait en ma présence, sous-officier de service du 176e bataillon, 3e compagnie. Signé : LANGEY.

Les bataillons de l’arrondissement se relevaient régulièrement toutes les vingt-quatre heures et étaient invariablement accompagnés de délégués spéciaux envoyés par le secteur. L’harmonie la plus parfaite ne régnait pas toujours entre les officiers et les délégués ; on était rarement d’accord ; mais les discussions ne duraient pas longtemps, car les officiers et même les simples soldats finissaient par dire au délégué : — Eh bien ! après ? si tu n’es pas content, toi, on va te fusiller ! — Entre ces gens de mauvais aloi, la défiance était permanente, ils se soupçonnaient, se surveillaient les uns les autres et voyaient des traîtres partout. Les machinations les plus extravagantes leur semblaient toutes simples, et, à force de vivre dans des idées fausses, ils faussaient instinctivement les choses les plus naturelles. Leurs soupçons invincibles furent, dans une circonstance spéciale, un sujet d’étonnement pour le personnel de la Santé ; on en eût bien ri, si l’occurrence avait été moins triste. Un détenu était décédé à l’infirmerie ; le service funèbre devait se faire à trois heures ; les parens du défunt, prévenus, étaient déjà réunis

  1. M. Charles Beslay, qui est un homme d’une bonté rare, n’épargna rien pour faire relaxer les officiers détenus à la Santé ; il s’adressa à diverses autorités du moment, s’il n’obtint pas la liberté des « otages, » il put du moins leur porter ses encouragemens.. Les deux pièces suivantes prouvent que M. Charles Beslay n’épargna pas ses démarches : « Paris, 21 mars 1871. Ordre est donné au citoyen Beslay de se rendre à la prison de la Santé et de communiquer avec le général Chanzy et autres prisonniers qu’il jugera à propos de visiter. En outre, ordre est donné d’élargir le citoyen Gaudin de Villaine, arrêté depuis le 18 mars. — Signé : E. DUVAL. » — « Ministère de l’intérieur, cabinet du ministre ; 22 mars 1871 : Le citoyen Charles Beslay est délégué afin de veiller à ce que les généraux prisonniers soient mis, tant sous le rapport de la surveillance que du traitement, en état de satisfaire à la fois la prudence nécessaire et la générosité populaire. — Signé Ed. VAILLANT. »