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perspicacité, et bien souvent, derrière les masques les mieux appliqués, avaient reconnu les criminels. Chargé, en qualité de chef de service de la sûreté, de la surveillance, de la recherche et de l’arrestation des malfaiteurs, M. Claude avait, dans ses difficiles fonctions, déployé une habileté qui l’avait rendu légendaire dans le mauvais peuple de Paris. On savait que le patron, comme l’appelaient familièrement les inspecteurs de son service, payait volontiers de sa personne, et que seul, ainsi qu’on l’avait vu dans l’affaire Firon, il s’en allait mettre la main sur les assassins les plus redoutables. Dans plusieurs occasions, il avait fait preuve d’un esprit d’induction très remarquable et avait imperturbablement reconstitué toutes les circonstances d’un crime, malgré les fausses pistes où l’on cherchait à l’entraîner ; un de ses tours de force en ce genre fut la découverte du cadavre du père Kink, découverte qui permit de donner une base indestructible à l’accusation portée contre Troppmann. Il est donc naturel que Duval ait essayé de s’attacher un homme d’une pareille valeur ; mais, s’il l’avait connu, il se serait épargné la peine de lui faire des propositions inutiles.

M. Claude apprit le 23 mars que trois commissaires de police, MM. André, Dodieau et Boudin, venaient d’être incarcérés près de lui avec leurs trois secrétaires, quatre inspecteurs attachés à leur commissariat et trois garçons de bureau. Leur nouveau logis, tout triste qu’il était, dut leur sembler agréable en comparaison de celui qu’ils venaient de quitter : depuis le 18 mars, ils étaient enfermés dans la prison disciplinaire de l’avenue d’Italie, où Serizier les avait fait conduire après les avoir arrêtés à leur domicile. À la Santé du moins, ils étaient à l’abri d’un coup de main inopiné, ils recevaient régulièrement leur distribution de vivres, ils avaient à leur disposition la bibliothèque que M. Lefébure a formée avec un soin intelligent ; ils étaient sous la surveillance d’un personnel d’employés qui les connaissaient presque tous, et qui, impuissans à leur rendre la liberté, pouvaient adoucir pour eux les sévérités du règlement, les ennuis de la solitude et les duretés de l’incarcération. Ils étaient certains, et c’était pour eux une garantie sérieuse, que le service serait conservé par les sous-ordres de la prison. Un commissaire de police, M. Monvalle, avait pu aller à Versailles, y recevoir des instructions et revenir prescrire aux greffiers et aux surveillans de ne point abandonner la Santé.

Les trois greffiers, MM. Laloë, Peretti et Tixier, s’étaient intelligemment distribué les rôles. M. Laloë dirigeait les opérations du greffe et, en réalité, menait la maison ; M. Peretti, aidé avec dévoùment par le surveillant Croccichia, qui faisait le service du rond-point, restait constamment en rapports avec les otages ; M. Tixier s’était mis dans les bonnes grâces de Caullet, le conseillait, en était