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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/621

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du Théâtre-Français sous Louis XIV nous paraît inattaquable. Évidemment, ce ne sont pas là les preuves d’une faveur personnelle de Molière auprès de Louis XIV, et telle anecdote qui continue de traîner dans les biographies du poète ne sera pas pour démentir les faits et suspendre la conclusion. Molière n’a jamais possédé la faveur du roi comme l’ont possédée Racine ou Boileau. Est-ce à dire que Molière ne soit donc redevable à Louis XIV que de ce patronage hautain et de cette protection un peu banale que le noble orgueil du prince étendait à tous les gens de lettres, et jusqu’aux savans étrangers ? Non, Molière lui dut quelque chose de plus : il lui dut les encouragemens qui le soutinrent contre la haine de ses rivaux et de ses calomniateurs et la liberté d’aborder une ou deux fois ces grands sujets que La Bruyère quelques années plus tard se plaindra mélancoliquement de se voir interdits. Il ne faudrait pas aller plus loin.

Cependant le débat n’est pas encore clos, et de temps en temps, sur la foi de quelques pièces inédites, de quelques recherches nouvelles, un érudit reprend la thèse du Tartuffe par ordre de Louis XIV et s’efforce de démontrer que l’œuvre « a eu un collaborateur ou plutôt un premier auteur, et que celui-ci est le roi. » Nous n’entrerons pas dans la discussion, qui n’a pas au fond le grand intérêt que l’on pense, et nous nous bornerons à une observation préliminaire : c’est qu’il faudrait qu’on s’entendît une fois pour toutes et qu’on décidât, puisque l’on veut donner à Tartuffe une signification historique, si l’attaque fut dirigée contre les jansénistes ou contre les jésuites. Or c’est le point délicat, et, s’il est curieux de faire, guidé par M. Louis Lacour, une connaissance intime avec la petite cour dévote du prince de Conti, devenu dans ses années de repentir l’intraitable adversaire des comédiens et le chef naturel de la cabale janséniste, il sera longtemps encore bien difficile de revoir ou de relire Tartuffe sans que les Provinciales nous reviennent involontairement en mémoire. Les deux chapitres de Port-Royal que Sainte-Beuve a consacrés jadis au Tartuffe n’ont rien perdu de leur solidité, ni les argumens qu’on y trouve de leur vraisemblance ou de leur presque certitude. Que d’ailleurs les jésuites aient fait l’éloge de Molière et que même l’un d’eux, le père Maury, dans une pièce datée de 1664 et récemment découverte, ait célébré le poète aussi dignement que pas un de ses contemporains, cela ne fait rien à l’affaire. Des gens mal intentionnés pourraient même aller jusqu’à dire : au contraire. Car le moyen n’était-il pas bien ingénieux, en 1664, de détourner le coup, si par hasard Molière l’eût dirigé contre le célèbre institut ? Au résumé, nous ne sommes guère plus avancés qu’au temps où