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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/693

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Dans ce vif tableau de la fusion des races et des idées, un des traits les plus curieux, c’est la persistance du sang indigène et des superstitions séculaires, même après que les transformations politiques et religieuses ont élevé de toutes parts le niveau primitif. Tout cela est neuf et bien présenté. Le second chapitre, consacré aux barbares, nous montre Florence saccagée par Radagaise et Totila; si elle se relève un peu sous Charlemagne, les héritiers du grand empereur l’oppriment, le régime carolingien lui est dur, et bientôt telle est son horreur des tyrannies féodales qu’elle appelle à son aide le fils du césar germanique Henri l’Oiseleur, celui qui sera plus tard Othon le Grand. M. Perrens démêle habilement dans cette période confuse tout ce qui intéresse le développement de l’esprit florentin, la rude éducation de cette race si active, si brillante, les épreuves qui la préparent à de si orageuses destinées politiques. C’est à la fin du premier livre que nous voyons apparaître la commune de Florence, avec ses instincts de liberté qui lui viennent des municipes romains et les formes originales dont l’esprit moderne les revêt, les scolæ ou associations, le primo et le secondo popolo, les nobles, les consuls, les podestats, tout un ensemble d’institutions municipales qui, dès le XIIe siècle, plaçait la cité de Florence au premier rang des républiques italiennes.

Était-ce un âge d’or, comme le disaient Dante et les chroniqueurs gibelins, si ardens à regretter ce temps disparu? Non, répond M. Perrens, cette Florence de la première révolution municipale a des travers et des vices qui écartent toute idée de l’âge d’or, « mais ses vices sont ceux de la jeunesse. A cet égard, il n’y a pas lieu de distinguer les Florentins des autres peuples d’Italie. Ce qui les en distingue, c’est que déjà ils marchent à leur tête, mettant de l’ordre dans le désordre, de la grâce dans l’énergie, et même quelquefois de l’humanité dans la fureur; c’est qu’ils prennent intérêt à tout et se montrent aptes à tout, aux lettres comme au trafic, aux arts comme à l’industrie; le temps n’est pas loin où l’on pourra dire d’eux (suivant les paroles attribuées à Boniface VIII) que rien n’est difficile à leur génie et qu’ils sont le cinquième élément de l’univers. »

Un jour, dans une conversation avec un illustre Italien, M. Thiers a dit : « Le monde allant à la démocratie, l’histoire de Florence doit être étudiée plus qu’aucune autre, parce qu’il n’en est pas de plus démocratique dans les temps anciens et dans les temps modernes. » C’est M. Gino Capponi qui a eu l’honneur de recueillir ces expressives paroles, et, publiant il y a deux années sa Storia della reppublica di Firenze, il n’eut garde de les omettre aux premières pages de son récit. M. Perrens, qui les répète à son tour, s’en est heureusement inspiré. Sur les trois volumes qu’il nous donne aujourd’hui, il y en a deux consacrés tout entiers aux agitations démocratiques de Florence. Le premier, on