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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/694

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l’a vu, conduit le lecteur jusqu’à l’époque où s’épanouissent les institutions municipales de la cité; le second et le troisième nous montrent les partis à l’œuvre dans cette brillante arène, jusqu’à l’heure où l’empereur d’Allemagne, Henri de Luxembourg, l’alto Arrigo appelé par Dante et les gibelins, succombe devant la démocratie guelfe.

Sur cette longue lutte des guelfes et des gibelins, des alliés du pape et des amis de l’empereur, M. Perrons a rassemblé des documens sans nombre. Il suit les adversaires d’année en année et presque de jour en jour. On assiste à leurs projets, à leurs menées, à leurs campagnes de toute espèce, intrigues ou batailles, comme aussi à leurs alternatives de joie et de douleur, de triomphes et de revers. Comment les gibelins, en 1260, parviennent-ils à renverser ce gouvernement guelfe qui semblait si fort depuis plus de dix années? Comment usent-ils de la victoire? A la suite de quels événemens sont-ils renversés à leur tour? Qu’est-ce que les fratri gaudenti, les buoni homini? que représente le second gouvernement des guelfes? Comment se poursuit à travers ces luttes violentes le travail de la démocratie florentine? Quelle est, enfin, vers l’année 1284, la constitution définitive de la république? Pour répondre à ces questions et à celles qui s’y rattachent. M. Perrens a remué de fond en comble les bibliothèques spéciales. Il est même trop complet, si j’ose le redire. La conscience de l’érudition fait tort chez lui à la netteté de l’art. Il en sait trop, il a trop d’aventures à conter, trop de personnages à évoquer en passant; l’histoire s’émiette et s’éparpille. Il faudrait ici un Mignet avec son art de concentrer les faits, de classer les acteurs, de résumer tout par des principes lumineux et des formules souveraines. M. Perrens est digne de se proposer un tel exemple; il sait déjà diviser son sujet, distribuer ses matières, concevoir avec ampleur une belle ordonnance. Que lui manque-t-il? un peu plus de sévérité dans l’arrangement de ses récits, le courage de résister à ces mille détails qui, évoqués par son savoir, viennent le harceler à tout propos et entraver sa marche.

Nos critiques montrent assez qu’il s’agit d’une œuvre de conscience et de grand labeur. On ne peut que désirer le haut perfectionnement d’une histoire qui fera honneur à la France auprès de la nation italienne. J’ajoute que ces reproches s’adressent particulièrement au second volume, au tableau des premières discordes civiles de Florence; quand l’auteur arrive à la querelle des blancs et des noirs, à la dernière lutte des guelfes contre l’empire, à l’expédition d’Henri VII, au rôle de Dante, il est plus net sans être moins savant, il va plus directement devant lui sans cesser de renouveler le sujet par des recherches originales.

Le grand Alighieri, on le pense bien, avait droit à une attention scrupuleuse de la part de l’historien de Florence. M. Perrens n’a pas failli à cette partie de sa tâche. Les critiques allemands, depuis une trentaine