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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/766

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ne s’y tient pas trop assuré. Je ne sais si le Mazarin n’aurait pas assez d’artifice pour donner lui-même des soupçons de quelque accommodement avec moi et pour en avoir peut-être inspiré quelque pensée à M. Chigi, qui était nonce à Cologne et qui présentement doit être à Rome. Ne vous endormez pas sur ce sujet et parlez toujours du Mazarin comme d’un homme qui se vante de revenir en France, même quand il en est le plus éloigné, pour se conserver par ce moyen quelque sorte de crédit dans les pays étrangers. Vous savez bien pourtant que, sur cet homme, il ne faut pas s’expliquer également avec tout le monde.

« Quant à M. L’ambassadeur de France, quoi que l’on m’en die, je ne vous en écris rien, parce que vous êtes sur les lieux et que vous y voyez plus clair que moi : prenez garde de donner soupçon au pape sur ce sujet... J’attends de la cour des lettres pour M. L’ambassadeur de France, afin de l’obliger à faire de nouvelles instances...

« Je crois qu’il n’y a point de danger de faire connaître doucement au pape que M. le duc d’Orléans s’étonne qu’il y ait le moindre retardement à la promotion, après les instances que l’on m’a fait, il y a plus d’un an, de me nommer sur sa simple recommandation, sans la nomination du roi. Vous voyez qu’il faut traiter cela fort délicatement. Peut-être ne serait-il pas à propos de le faire : comme vous êtes sur les lieux, on laisse cela à votre disposition... »

« J’avais oublié dans ma dernière lettre, écrivait-il à Charrier le 10 novembre, de vous dire que, quoique vous deviez toujours parler du retour du cardinal Mazarin comme d’une chose impossible dans son exécution, il ne faut pas laisser d’ajouter que, s’il était assez fol pour le vouloir entreprendre, il serait de grande conséquence que je fusse déjà cardinal pour m’y opposer avec plus de vigueur et de considération. Il est de plus à propos d’insinuer que, bien que je ne sois pas dans un poste si peu considérable que, selon les apparences, la cour puisse ni doive changer de sentiment pour moi, si toutefois cela arrivait par quelque accident inopiné et étrange, comme par quelque collusion de M. le prince avec le cardinal Mazarin, il serait en quelque façon honteux au pape d’avoir été aucunement la cause de cela par la longueur qu’il apporte à faire la promotion ; il lui serait, pour ainsi dire, honteux, après les témoignages qu’il a donnés depuis trois ans de l’agrément qu’il a pour ma personne. Vous voyez que toutes ces choses sont assez délicates ; faites-les comme vous le jugerez plus à propos sur les lieux... » Le coadjuteur, à ce moment, avait encore tant d’espoir dans sa promotion, que, par cette même lettre, il indiquait à l’abbé le moyen le plus prompt de lui en faire parvenir la nouvelle. « Vous avez à Rome, lui disait-il, le frère de M. Chevalier, chanoine de Notre-Dame, qui est un jeune garçon fort vigoureux.