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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/784

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pour s’emparer de sa personne. Après avoir passé la Meuse, il arriva à Rethel et entra dans la Champagne. À cette nouvelle, le parlement de Paris s’assemble ; le duc d’Orléans annonce que le cardinal est rentré dans le royaume. L’agitation est extrême, les motions les plus violentes éclatent de toutes parts. Enfin survient un arrêt qui ordonne que le cardinal et ses adhérens, ayant contrevenu aux défenses contenues dans la déclaration du roi, avaient par cela seul encouru les peines qui y étaient portées, comme criminels de lèse-majesté et perturbateurs du repos public ; qu’il leur serait couru sus par les communes, et que les maires et échevins des villes s’opposeraient à leur passage ; que la bibliothèque et les meubles du cardinal seraient vendus pour que l’on prélevât sur la vente la somme de 150,000 livres, laquelle serait offerte en récompense à quiconque le livrerait mort ou vif. Enfin l’arrêt ajoutait que celui qui rendrait un tel service à la France serait absous de tous les crimes qu’il aurait pu antérieurement avoir commis, hors celui de lèse-majesté. Secrètement, Retz était l’un des principaux instigateurs de cet acte sauvage, digne de l’Italie du XVe siècle.

Tandis que Mazarin ne cessait d’écrire à la palatine pour lui affirmer que le coadjuteur n’avait pas de meilleur ami que lui, Retz faisait tous ses efforts pour exploiter de son mieux à son profit les événemens. « On appréhende, écrivait-il à Charrier le 1er décembre, que M. le prince ne se raccommode avec le Mazarin. Cela et mille autres choses qui peuvent arriver par la longueur du temps font que je suis d’avis qu’au nom de M. le duc d’Orléans, duquel vous vous pouvez servir pour toutes les créances qu’il vous a envoyées, et au mien, vous fassiez expliquer le pape le plus nettement qu’il se pourra, et que vous lui représentiez que, si, par quelques raisons dans lesquelles vous n’entrerez pas par respect, il est obligé de ne pas faire la promotion, au moins il ne me doit pas refuser la grâce de ne me pas amuser dans des temps où il m’est important de ne pas prendre de fausses mesures. Je ne vous marque que ce plan sur lequel vous voyez bien ce qui se peut dire. Il est important, à mon sens, de n’y rien omettre. Je vous envoie une lettre de mon frère (le duc de Retz), que j’ai ouverte. Je ne vous dis presque rien par cet ordinaire, parce que je vous écris toutes choses au long par le courrier extraordinaire que je vous dépêchai samedi dernier, qui vous porte des lettres de M. le duc d’Orléans avec des instances tout à fait pressantes pour faire expliquer le pape… »

« Pour mes affaires, disait le coadjuteur à Charrier dans une lettre du 8 décembre, si elles ne sont pas encore faites quand vous recevrez cette lettre, je vous prie de parler avec vigueur et de faire connaître que, si ces longueurs continuent, je me pourrai lasser d’être prétendant. Vous savez comme vous devez traiter cette affaire.