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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/815

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VOYAGE DANS LE PASY BASQUE.

sort de la maison de ville et se rend en corps à l’église paroissiale de San-Sébastian pour y entendre la grand’messe ; les rangs vivement s’écartent et livrent passage au cortège. Là encore la musique militaire conduit la marche, et par derrière, comme s’ils voulaient étouffer la voix des cuivres, les tamborileros soufflent désespérément dans leur petite flûte et tapent à tour de bras sur leur tambourin. Au fond, je les suppose un peu jaloux de ces étrangers qui font tant de bruit et qui sont venus leur ravir dans le cérémonial de la fête une part de leur importance.

Le jeu de paume d’Azpeitia se trouve aux environs de l’église. On sait que la paume ou pelota fait avec la danse le divertissement préféré des Basques. Aussi n’est-il guère de hameau, si pauvre qu’il soit, qui n’ait son juego de pelota, véritable monument public, où les dimanches et jours de fête, sous la haute surveillance des anciens qui jugent les coups, les jeunes gens viennent exercer leur force et leur adresse. Il se compose d’un mur droit en pierres de taille, très élevé et parfaitement uni; la terre est tout autour soigneusement battue. La balle se lance avec la main nue, d’autres fois avec un gant de cuir ou une palette de bois. Les femmes elles-mêmes sont d’une habileté prodigieuse dans ce genre d’exercice. Souvent dans les romerias une lutte en règle, stimulée par des paris, s’engage entre les jeunes gens de deux communes voisines, les camps se forment, et c’est à qui saura le plus longtemps maintenir la balle dans les airs sans lui permettre de toucher terre. Chaque passe dure ainsi plusieurs minutes. A Azpeitia, où la fête se prolonge pendant trois jours, le troisième jour est spécialement consacré à de grandes parties de paume auxquelles prennent part les indigènes et les étrangers; mais cette année, à cause des événemens récens dont le souvenir attristait encore les esprits, la fête a été écourtée d’un jour, et la dernière partie du programme entièrement supprimée. Néanmoins, aussitôt après la grand’messe, toute la jeunesse s’empressait d’accourir au jeu de paume, et là, quittant la veste brodée des dimanches, se livrait de tout cœur à son exercice favori. Pendant ce temps, autour de la grande place, on finissait d’installer les estrades de bois où la foule devait s’asseoir dans l’après-midi pour contempler le zortzico officiel et la course des novillos.

Les airs basques peuvent indifféremment être chantés ou dansés, et de toutes ces danses la principale est l’aurescu, appelée aussi zortzico : c’est celle que l’on exécute presque exclusivement dans les romerias ; elle est du reste assez compliquée. A l’un des bouts de la place est établi un banc de bois destiné à l’alcade et aux principales personnes du village. Tout d’abord les danseurs, se tenant par la main, viennent se ranger en rond devant le banc de l’alcade, puis le premier de la bande, l’aurescu, se détache de ses compagnons,