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jette son béret à terre et salue les autorités par une série d’entrechats. L’alcade lui rend son salut, chapeau à la main, tandis que l’assistance éclate en applaudissemens, et le jeune homme de nouveau va prendre la tête de la chaîne. Alors commence une longue promenade à travers la place : là encore il n’y a que le coryphée qui danse, s’interrompant parfois pour se reposer; quand il rencontre dans le cercle des assistans une personne qu’il veut honorer, il s’arrête et esquisse un pas à son intention; le tamborilero, qui marche à l’autre extrémité, l’accompagne de la flûte et du tambourin sur un air aigu, composé d’un petit nombre de mesures et qui revient indéfiniment. Tout à coup, à un roulement du tambourin, deux des jeunes gens, le second et l’avant-dernier, sortent du rang et vont chercher dans l’assistance la jeune fille qui leur a été désignée par leur chef. Toute femme qui se trouve sur la place pendant la danse semble accepter d’avance le choix qu’on peut faire d’elle, et d’après l’usage inviolé du pays elle est tenue de suivre les deux envoyés. Ceux-ci font avec elle, béret à la main, deux fois le tour de la place, comme pour la mieux montrer à l’admiration de la foule, pendant que le coryphée continue ses ébats; après quoi seulement on la lui présente. L’aurescu derechef se sépare de ses compagnons, jette son béret aux pieds de la jeune fille comme il l’a fait pour l’alcade, et danse devant elle un cavalier-seul, sans qu’elle change d’attitude ou se permette de sourire. Lui-même reste grave; il s’interdit tout geste avec les bras et tient le haut du corps immobile; les pieds seuls s’agitent, bondissent et se croisent avec une rapidité sans pareille; par cet endroit, le zortzico tiendrait de la gigue anglaise, mais par le sérieux des figures, la simplicité de la mesure, l’espèce de solennité qui règle la démarche et le maintien, il rappelle bien plutôt l’ancien menuet français.

Le pas achevé, la jeune fille vient prendre place dans la chaîne à la gauche de son danseur. Chacun alors fait volte-face, et c’est le tour du dernier ou atzescu de tenir la tête; on va lui chercher une jeune fille qu’il accueille de son mieux et qui ensuite se place à son côté. Aux deux chefs de file, comme on voit, l’aurescu et l’atzescu, la première et la dernière main, revient la conduite de la danse; quand ils sont eux-mêmes pourvus de leurs danseuses, ils doivent alternativement accueillir les jeunes filles destinées à leurs compagnons. Enfin tous les couples sont formés, l’aurescu et l’atzescu, vont saluer leurs dames respectives, le tamborilero attaque un air plus vif, et aussitôt le milieu de la place, qui jusqu’alors était réservé aux membres du zortzico, est envahi par les assistans. Les enfans eux-mêmes sont admis à cette nouvelle figure, qui n’est autre que la jota aragonaise. Les danseurs, deux par deux, se placent vis-à-vis l’un de l’autre, et, les bras étendus, faisant claquer les doigts