à toute la haute société, et les danseuses de l’après-midi y sont invitées de droit; c’est la musique militaire qui tient l’orchestre, et joue d’instant en instant des valses et des quadrilles sur nos motifs les plus en vogue; par les fenêtres grandes ouvertes, le bruit des cuivres se répand au dehors, mais la foule ne semble pas même l’entendre, et se presse plus que jamais autour des musiciens indigènes. Un grand feu est allumé au centre de la place : il tient lieu des réverbères absens et éclaire les pas des danseurs, dont les ombres confuses s’allongent à l’infini sur le sol et les murs des maisons; quand il menace de s’éteindre, l’alguazil y jette pour le ranimer une brassée de bois mort. Non moins infatigables que les danseurs, les tamborileros font rage de leurs petits instrumens, et à peine les dernières notes d’un air sont-elles évanouies qu’un autre déjà recommence. Enfin vers onze heures, on cesse d’entretenir le foyer, l’éclat de la flamme s’abaisse et se resserre peu à peu, la nuit se fait, les couples se séparent avec un adieu et lentement s’écoulent par les rues voisines qui gardent quelque temps encore un bruit assourdi de pas et le murmure des voix chuchotantes.
Le lendemain 1er août, une messe solennelle devait être célébrée dans le sanctuaire même de Saint-Ignace-de-Loyola en présence de tout le clergé et des autorités de la ville. Je me hâtai de prendre les devans. Depuis le matin, la foule des fidèles encombrait les abords de l’édifice et remplissait la campagne d’une animation inaccoutumée; toutes les provinces du nord et du centre de l’Espagne étaient là représentées avec leurs costumes variés et pittoresques. Bientôt une salve de coups de fusil, tirés à poudre par un peloton de soldats, annonçait l’arrivée du cortège; en même temps les cloches carillonnaient à grande volée. Ce sanctuaire, surnommé « la merveille du Guipuzcoa, » fut élevé en 1683 par ordre de la reine Marie-Anne d’Autriche, veuve de Philippe IV, sur le domaine de la famille de Loyola et autour du manoir où naquit le saint; le fameux architecte Fontana, appelé de Rome, en fournit les plans. Il consiste en un parallélogramme rectangulaire auquel, — par une de ces bizarreries où se complaît le goût espagnol et dont le monastère de l’Escurial est l’exemple le plus connu, — deux appendices latéraux donnent la figure d’un aigle prêt à prendre son vol. C’est une allusion délicate au titre d’impérial qu’il avait reçu de sa fondatrice. Le corps est dessiné par l’église, la tête par le portail, les ailes par la sainte maison et par le collège, la queue par divers bâtimens secondaires. Au surplus, comme il arrive toujours en pareil cas, l’allusion n’est transparente que sur le papier, et le visiteur, même prévenu, a grand’peine à s’y reconnaître. Les frais, très considérables, furent couverts en grande partie par la générosité des fidèles; à eux seuls, les Basques résidant au Pérou envoyèrent pour le commencement