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VOYAGE DANS LE PAYS BASQUE.

sa réputation n’avait pas tardé à s’établir, puisqu’on 1519, se trouvant à Séville, il fut nommé maestre ou second de la Concepcion, un des cinq navires qui faisaient partie de l’expédition de Magellan. Il s’agissait cette fois de meure à exécution le plan primitif de Christophe Colomb, d’arriver aux Indes par la route de l’occident et de disputer aux Portugais, maîtres de la route de l’est, le commerce des épices, le plus riche qu’on connût alors. On sait comment en effet Magellan trouva à l’extrémité sud de l’Amérique le détroit auquel la postérité a donné son nom; mais descendu dans l’île de Zebu, il périt misérablement à la suite d’un combat livré contre un des petits rois voisins. Cette mort, celle des personnages les plus considérables de l’expédition massacrés traîtreusement par le roi de Zebu dans un festin, la perte de trois des navires qui composaient la flottille, avaient porté Sébastien del Cano au commandement d’un des deux navires restans, la Victoria, de 102 tonneaux. Ils arrivèrent enfin aux Moluques, nouèrent des relations avec les chefs indigènes et firent leur chargement d’épices ; mais, quand on voulut mettre à la voile, la Trinidad faisait eau de toutes parts : elle dut rester au port pour être radoubée, et la Victoria seule entreprit le retour en Europe. La traversée fut longue et périlleuse; outre que le navire était vieux et terriblement fatigué par vingt-huit mois de navigation, il lui était interdit d’aborder aux côtes, alors occupées par les Portugais. Neuf semaines on louvoya avant de pouvoir doubler le cap de Bonne-Espérance, et le 6 juillet 1522 la Victoria entrait entin dans le port de San-Lucar-de-Barrameda, trois ans moins quatorze jours après en être sortie. Sur soixante hommes partis des Moluques, il ne restait plus que dix-huit Européens et quelques Indiens, tous à demi morts, exténués de fatigues et de privations. A peine arrivé, El Cano partit pour Valladolid, où se trouvait alors la cour; Charles-Quint le reçut à merveille, écouta avec beaucoup d’intérêt le récit de son voyage, et, pour lui témoigner sa satisfaction, lui octroya l’usage d’un blason en deux parties ainsi composé : château d’or en haut sur champ de gueules, en bas champ d’or semé d’épices dont deux bâtons de cannelle, trois noix muscades en sautoir et deux clous de girofle; au-dessus de l’écu un heaume fermé et pour cimier le globe terrestre avec cette légende : Primus circumdedisti me ; en même temps il lui accordait une pension viagère de 500 ducats d’or par an à percevoir sur la chambre du commerce des épices établie à la Corogne.

Bientôt après partait la nouvelle flotte qui, aux ordres de Frey Garcia de Loaïsa, commandeur de l’ordre de San-Juan, devait assurer le résultat des premières découvertes; mais cette expédition échoua lamentablement : le capitaine-général mourut pendant la