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pour être entendus de conserver la forme nationale, et l’on prononce indifféremment Saint-Sébastien ou San-Sebastian, Fontarabie ou Fuenterrabia. Quand j’y arrivai, toute la ville était en émoi à l’occasion des fêtes de l’Assomption, et les étrangers. Français ou autres, venus en grand nombre pour assister aux courses de taureaux, remplissaient les rues et les places d’une foule aussi bruyante que bigarrée.

La concha de Saint-Sébastien, quoique couverte à l’entrée par l’île de Santa-Clara, offre par elle-même un mouillage assez peu sûr, et le port proprement dit n’en occupe, avec ses jetées, qu’une très minime partie; par contre, à cinq quarts de lieue à l’est et à l’embouchure de l’Oyarzun, s’ouvre la baie de Pasages, la plus vaste et la plus sûre de tout le littoral cantabrique. L’entrée, resserrée entre deux rochers énormes, forme un étroit goulet qui l’isole de l’Océan non moins qu’il l’en rapproche, et la fait semblable à un lac. Napoléon, frappé de cette situation providentielle, avait résolu d’y créer un port militaire de premier ordre, où les flottes de tous ses états eussent pu trouver un abri. L’importance de Pasages était grande au dernier siècle, et plus encore au temps de la maison d’Autriche; de ses chantiers de construction sortaient alors des navires de 800 tonneaux. Malheureusement les atterrissemens considérables produits, soit par l’Oyarzun, soit par l’action des pluies, qui ravinent et lavent jusqu’au roc les montagnes voisines, lui ont fait perdre la meilleure partie de ses avantages. A plusieurs reprises, la ville et la province ont essayé de remédier au mal, mais toujours le manque d’argent ou les événemens politiques ont prévalu sur ces bonnes intentions. Il n’est pas jusqu’à une société fondée récemment et se proposant d’obtenir, en une demi-douzaine d’années, l’entier nettoyage du port, qui n’ait été fort mal à propos arrêtée par la guerre. Aux deux côtés du chenal se trouvent les villes jumelles de Pasages, San-Pedro à gauche et San-Juan à droite. L’une et l’autre se composent, dans leur plus grande étendue, d’une rangée de maisons uniques, dont le derrière donne sur le port et la façade sur une rue intérieure taillée à pic dans le roc; en plus d’un endroit, les maisons, enjambant la voie, s’accrochent à la montagne et ne laissent au-dessous d’elles qu’une allée couverte; beaucoup d’emplacemens aussi sont abandonnés. On passe de la rive gauche à San-Juan sur de petites barques manœuvrées par des femmes. La réputation des batelières de Pasages date déjà de loin. Philippe IV avait admiré leur adresse en 1660 lorsqu’il amena l’infante Marie-Thérèse à Irun pour épouser Louis XIV, et, de retour à Madrid, il en fit venir un certain nombre qu’on vit pro- mener les nacelles royales sur la pièce d’eau du Buen-Retiro.

Une dernière étape m’amène à Irun. Singulière histoire que celle