Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 22.djvu/882

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
II.

Tel était le département des affaires étrangères avant la révolution française. M. de Vergennes fut, on peut le dire, le dernier ministre de l’ancien régime. Après lui s’ouvre la période révolutionnaire, et ses successeurs, impuissans ou incapables, quelquefois l’un et l’autre, président à l’abaissement de la diplomatie française, dont la décadence coïncide avec la décadence de la royauté, et qui ne devait se relever que dans ce réveil général de la France, dont On saisit les premiers symptômes après le 9 thermidor. Entre le jour où mourut M. de Vergennes (12 février 1787) et celui où le roi fut déposé, cinq secrétaires d’état ont été appelés successivement à diriger la politique extérieure de la France : Montmorin, de Lessart, Dumouriez, Chambonas et Bigot de Sainte-Croix. C’est une triste histoire que la leur.

M. de Montmorin, ex-ambassadeur à Madrid, lieutenant-général des armées du roi, prit possession du portefeuille la veille de la réunion des notables. Jusqu’à l’ouverture des états-généraux, il ne joua qu’un rôle effacé dans la politique intérieure; mais au dehors sa faiblesse fit perdre à la France le bénéfice du traité de 1783. Le gouvernement de Versailles, par crainte de l’Angleterre, abandonnait la Hollande, attaquée par la Prusse. La déclaration signée le 28 octobre 1788 avec la Grande-Bretagne était un aveu d’impuissance qui frappa vivement les cabinets. « La France vient de tomber, dit l’empereur Joseph II, je doute qu’elle se relève. » Mais au dedans les événemens précipitaient et détournaient l’opinion publique de ce qui se passait au-delà de nos frontières. Les Français n’avaient cure de la Hollande, quand le royaume était en ébullition à l’approche de la réunion des états-généraux.

Il devint bientôt manifeste que les états de 1789 ne ressembleraient guère aux anciennes assemblées des trois ordres qui se réunissaient jadis en France et que nos rois avaient commis l’impardonnable faute de ne plus convoquer depuis près de deux siècles. Effrayé par la politique de concessions du cabinet Necker, le roi essaya vainement de résister : en vain il voulut dès le mois de juillet renvoyer Necker et choisir des conseillers plus purs. Le cabinet de réaction, dans lequel Montmorin cédait son portefeuille au duc de La Vauguyou, ne dura pas six jours. Au renvoi des minisitres, le peuple répondit par la prise de la Bastille, et l’assemblée elle-même protesta. Necker et Montmorin furent rappelés.

Après les émeutes d’octobre et l’invasion de Versailles par les Parisiens, le ministre des affaires étrangères fut d’accord avec Necker