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présentent : le choix des hommes qui composent le gouvernement, leur amovibilité, leur responsabilité, la subdivision et l’atténuation des fonctions exécutives. » On crut se conformer à ces principes en formant douze commissions au lieu de six ministères. La commission des relations extérieures ne comprenait qu’un commissaire. Plusieurs individus se succédèrent à ce poste dans les premiers jours de germinal : un sieur Goujon, le citoyen Hermann, ancien président du tribunal révolutionnaire, qui fut lui-même remplacé par Buchot, le 20 germinal.

Buchot appartient à la légende au moins autant qu’à l’histoire. On sait qu’il fut l’auteur de sa fortune. Ancien maître d’école suivant Miot, abbé défroqué suivant Lebas, ex-juge en Franche-Comté suivant lui-même, Buchot était substitut de l’agent national Payan, quand Robespierre le fit nommer ministre (il porta quelquefois ce titre par la force de l’habitude, quoiqu’il ne fût officiellement que commissaire). C’est Robespierre qui l’avait distingué; il le tenait pour « un homme énergique et probe, capable des fonctions les plus importantes. » Lebas aussi le couvre d’éloges qui, suivant d’autres contemporains, ne seraient guère mérités. « Son ignorance, dit Miot, ses manières ignobles, sa stupidité, dépassaient tout ce qu’on peut imaginer. Pendant les cinq mois qu’il fut à la tête du département, il ne s’en occupa nullement, et était incapable de s’en occuper. Les chefs de division avaient renoncé à venir travailler avec lui; il ne les voyait ni ne les demandait. On ne le trouvait jamais dans son cabinet, et quand il était indispensable de lui faire donner sa signature pour quelque légalisation, seul acte auquel il avait réduit ses fonctions, il fallait aller la lui arracher au café Hardy, où il passait habituellement ses journées. »

Avec un pareil ministre, l’indiscipline régnait plus que jamais dans les bureaux et le service était en souffrance. Le public se plaignait des commis ; mais les commis n’avaient-ils pas quelques raisons de se plaindre du gouvernement? Leurs traitemens, déjà bien écornés depuis Louis XVI, furent réduits d’une façon scandaleuse ; et on annonçait que ce n’était qu’un commencement. « Les emplois, disait le comité, sont pour des patriotes, des pères de famille, et les denrées sont chères. On ne pourra que plus tard réduire les traitemens sans souffrance et par conséquent sans injustice ; mais, au règne de l’égalité, peut-on laisser exister une disproportion énorme entre deux hommes qui, rapprochés de la nature par le régime républicain, sont présumés n’avoir à peu près que les mêmes besoins? Les talens, dira-t-on? Sans doute, il est permis d’y avoir égard, mais il faut graduer par des nuances insensibles et le talent et le salaire. Celui qui a plus de talent doit trouver son excédant de