mercuriales où le directeur actuel du Conservatoire aime à s’espacer et que Voltaire appellerait du galithomas.
Au temps de Haydn, de Mozart, la simple vocation suffisait, un musicien se contentait de composer de la musique et de livrer au public ses compositions sans belles phrases ni commentaires. C’est par Weber et par Schumann, deux atrabilaires et même au besoin deux grands envieux des qualités d’autrui, que s’est introduit ce beau système de s’injurier et de se diffamer entre confrères sous couleur de littérature et d’esthétique. On connaît les ignobles pamphlets que l’auteur du Freischütz ne rougissait pas de libeller contre « le polisson coupable d’avoir écrit Tancredi, » et tout le monde a pu lire naguère le jugement très authentique porté par Schumann sur les Huguenots de Meyerbeer. «Je ne saurais dire l’aversion que m’inspire cette œuvre dans son ensemble. J’avais toutes les peines du monde à vaincre ma répugnance, j’étais fou de rage et de colère. Après plusieurs auditions, je trouvai çà et là quelques pages excusables qui méritaient d’être jugées moins sévèrement; mais mon opinion finale resta la même et je ne cesserai de le répéter, à ceux qui osent comparer même de très loin les Huguenots à Fidelio ou à d’autres œuvres de cette trempe, qu’ils n’entendent rien à la musique, rien, rien, rien! » Pour ce qui regarde le choral de Luther intercalé dans la partition, il déclare que, si un écolier lui apportait un pareil contre-point, il en serait, lui Schumann, très médiocrement satisfait. « Ce qu’il y a de trivialité voulue et de platitude complaisante dans ce morceau frappe le public le plus grossier. On s’extasie sur la Bénédiction des poignards. J’accorde qu’il y a là beaucoup de force dramatique, quelques mouvemens frappans et ingénieux; mais, si l’on analyse la mélodie au point de vue musical, qu’est-ce autre chose qu’une Marseillaise réussie, et parce qu’il produit un certain bruit avec une douzaine de trombones, de trompettes et d’ophicléides et cent voix chantant à l’unisson, est-ce une raison pour nous faire crier au miracle? Quelques morceaux bien venus, des tendances plus nobles qui se manifestent çà et là vous désarment de temps en temps ; mais que vaut tout cela lorsqu’on réfléchit à la platitude, à l’immoralité de cet ensemble à la fois grimaçant et anti-musical ! En vérité, et le ciel en soit béni, nous avons vidé la coupe d’amertume et nous sommes allés jusqu’au bout. Les choses ne peuvent désormais tourner plus mal, à moins qu’on ne dresse une potence sur la scène, et le talent de Meyerbeer, torturé, dénaturé par le goût de l’époque, a jeté, je l’espère, son dernier cri d’angoisse. » Cette triste page, invraisemblable à force d’ineptie, nous la connaissions déjà de longue date, mais jamais nous n’aurions eu le courage de l’exhumer, comme on l’a fait pourtant, du fatras littéraire d’un musicien qui, selon nous, ne devrait être responsable que de sa musique. Et penser que celui qui parle ainsi des Huguenots est le même personnage qui, voulant un jour passer de la critique et de la théorie