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REVUE. — CHRONIQUE.

dépassent pas 1 ou 2 millièmes de millimètre; ces corpuscules peuvent subir une dessiccation prolongée ;sans périr, et ce qui prouve que ce sont des germes de vibrions, c’est que, semés sur une feuille de mûrier, ils provoquent la maladie du ver. Eh bien! d’après M. Koch, les bactéridies se changent également en corpuscules brillans qui, semés dans un liquide organique, régénèrent les corps filiformes, agens spécifiques du charbon. Le même mode de reproduction a d’ailleurs été retrouvé depuis dans toute la série des vibrioniens.

Au commencement de cette année, un éminent physiologiste, M. Paul Bert, entreprit d’appliquer à l’étude de la même question un nouveau procédé d’investigation très propre, selon lui, à faire distinguer les fermens vivans des fermens purement chimiques, et qui consiste dans l’emploi de l’oxygène comprimé. M. Bert avait en effet constaté que l’oxygène à haute tension tuait rapidement tous les êtres vivans et même les élémens anatomiques isolés, tels que les globules du sang, etc. Aussi toutes les fermentations causées par des microphytes ou des microzoaires (putréfaction, fermentation alcoolique, etc.) étaient-elles arrêtées net par l’action de l’oxygène comprimé, tandis que les fermentations dues à l’action d’une matière dissoute, comme la diastase, se continuaient dans cette atmosphère, délétère pour la vie organique. Tout ce qui sort intact de cette nouvelle épreuve du feu est donc matière inerte, privée dévie. M. Paul Bert a soumis à ce procédé d’analyse divers virus et venins. Le venin du scorpion a résisté à l’oxygène comprimé; on sait d’ailleurs que l’action des venins est due à des substances analogues aux alcaloïdes végétaux. Les virus, comme le vaccin, le pus de la morve, ont également gardé leur vertu dans l’oxygène, qui même les a empêchés de se putréfier; M. Bert en conclut qu’ils doivent leur activité à des substances diastasiques, et non à des êtres vivans. La même épreuve appliquée au sang charbonneux a donné un résultat tout semblable ; les bactéridies ayant été tuées par l’oxygène, le sang qui les avait contenues n’en a pas moins fait périr les cochons d’Inde et les chiens auxquels on l’a inoculé; on a obtenu le même effet avec du sang charbonneux préalablement traité par l’alcool absolu; mais le sang des animaux empoisonnés par l’inoculation du sang charbonneux ainsi purifié ne renfermait plus de bactéridies. De ces expériences, M. Bert crut pouvoir conclure que les bactéridies ne sont ni la cause, ni l’effet nécessaire du charbon, et que cette affection est due à un virus.

Qu’est-ce qu’un virus? On se sert de ce mot pour désigner des principes toxiques dont la vraie nature reste encore enveloppée de mystère. On suppose que ce sont des espèces de fermens chimiques solubles. Les recherches de MM. Coze et Feltz et celles de M. Davaine sur la putréfaction ont accrédité notamment l’hypothèse de l’existence d’un « virus septique» extrêmement subtil, qui tue à des doses infinitésimales, et dont la virulence s’accroit au fur et à mesure de son passage répété dans des