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et les magasins généraux en relation avec elle. Les bords de cette partie de la Garonne sont loin d’avoir l’importance de ceux de la rive gauche ; c’est la portion convexe du croissant. Ils n’ont qu’une étendue limitée, ne sont pas sillonnés par le rail, ne présentent pour ainsi dire aucune défense contre la rivière, car ils n’ont que 900 mètres de cales et point de quais. On n’y voit que quelques chantiers de construction maritime, quelques fabriques et les points où viennent toucher les bacs à vapeur qui à chaque instant vont et viennent d’une rive à l’autre de la Garonne. Là est le village de la Bastide, une commune suburbaine récemment annexée ; là court aussi l’avenue de Paris, qui mène d’une part au pont de pierre de Bordeaux, un magnifique ouvrage qui date du commencement de ce siècle, et de l’autre à des coteaux boisés, plantés de vignes, d’où l’on a une vue superbe, embrassant à la fois la rivière avec sa forêt de mâts et la ville monumentale qu’elle baigne. Maintes fois la peinture s’est plu à représenter ce paysage, qui toujours enchante l’œil, quel que soit le point d’où on le regarde.

Après Paris, il n’est en France aucune ville aussi belle, aussi largement ouverte que Bordeaux. Du milieu des quais du commerce se détache la grande place des Quinconces, à laquelle se relient des allées et des boulevards qui portent, comme dans tout le midi, le nom de cours (en espagnol curso et corso en italien). Grâce à ces avenues ombragées, à des maisons d’une élégante et solide architecture, la ville a gardé un air de capitale, qui frappe immédiatement le visiteur. Elle offre aux regards des monumens qui méritent d’être rappelés. Au siècle dernier, les architectes Gabriel et Louis, l’intendant de Guienne Tourny, l’ont à l’envi ornée. Sa cathédrale gothique, avec sa haute tour isolée à la façon des campaniles italiens, ses vieilles églises, dont une est de style roman, ses anciennes portes du moyen âge ou de la renaissance, son théâtre, le plus beau d’Europe par l’architecture extérieure, et dont on peut dire que c’est un monument grec retrouvé en plein dix-huitième siècle, un magnifique jardin public au centre même de la ville, enfin les restes d’un cirque romain, improprement nommé le palais Gallien, — nous avons déjà cité le pont de pierre et la longue ligne des quais en forme de croissant, — tout concourt à faire de Bordeaux une des plus belles villes qu’il y ait.

Les habitans ont un air aimable, familier, entraînant, et une certaine faconde qui ne leur messied point, celle qui fait du Gascon un type si original. L’accent est caractéristique, surtout chez les filles du peuple, vives, alertes, le teint frais, l’œil et les cheveux noirs, le madras ou foulard des Indes coquettement jeté sur la tête autour du chignon, la taille fine et les hanches bien prises. Les