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boulanger. On en retire aussi un excellent charbon de bois. Le bois de pin doit à la résine qu’il renferme de pouvoir résister longtemps aux intempéries et de se conserver très bien. C’est un excellent bois de charpente ; injecté d’un sel de cuivre ou de fer, ou de créosote, ou bien encore carbonisé, flambé à la surface, il peut même durer éternellement.

C’est par ses racines, qu’il étend de tous côtés dans les sables, que le pin fixe les dunes. Comment celles-ci se forment-elles ? Le phénomène est le même partout. Le vent dominant de ces régions souffle de la mer, de l’ouest ; il soulève le sable du rivage. Chaque grain monte ainsi séparément, doucement, le long du cordon littoral, du petit monticule sableux déjà formé. Porté par le vent, il s’élève le long de ce petit plan incliné et tombe de l’autre côté, qui est presque à pic. Cela dure de toute éternité et explique à la fois la formation des dunes et leur marche progressive. Elles s’avancent peu à peu, ont englouti insensiblement des villages tout entiers. Brémontier, en conseillant des plantations de pins, a mis un terme à leur invasion toujours plus menaçante. Quand le vent souffle avec violence, le sable tourbillonne, est projeté au loin ; de là ces plaines sablonneuses, ces landes, qui s’étendent derrière les dunes, et dont l’horizon ne fixe pas même les limites. C’est là, sur ces sables mouvans coupés de flaques d’eau, que se promène toute l’année le berger monté sur des échasses, avec lesquelles il marche, il court, mieux et plus vite qu’avec ses jambes. Appuyé sur son long bâton, qui lui sert aussi de balancier, il se repose. Pour se distraire, il tricote, même en marchant. Jamais il ne perd de vue son maigre troupeau. De loin en loin, une cahute, un bois de pin, puis plus rien, le désert, toujours le désert. La culture du pin a seule vivifié ces régions, et c’est ainsi que ce conifère est devenu à la fois une défense contre l’envahissement périlleux des dunes, un objet de culture industrielle, et, comme on l’a dit plus haut, un mode de traitement et même de guérison pour certaines maladies. Quelques domaines autour de l’étang d’Arcachon, entre autres celui d’Ares, fondé par feu M. Léopold Javal, doivent à une exploitation intelligente du pin la meilleure partie de leur prospérité.

Les landes finissent à l’Adour. Sur ce fleuve, vers l’embouchure, est Bayonne, un port jadis plus fréquenté. Les Basques, marins audacieux, partaient de là pour la pêche de la baleine et de la morue. Ils découvrirent l’Amérique avant Colomb, touchèrent les premiers à Terre-Neuve et à la Nouvelle-Ecosse, où est la terre appelée par eux le Cap-Breton, en souvenir d’un mouillage du même nom au nord de Bayonne. Ces Basques sont contemporains des Dieppois qui naviguaient vers d’autres parages, ceux de Guinée, et ils n’ont été précédés en Amérique que par les Normands ; mais ceux-ci ont