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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 23.djvu/137

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fait des excursions qui sont restées mythologiques, et non pas les Basques. Aujourd’hui les Basques ont en partie renoncé à la mer, où leurs aïeux se couvrirent de tant de gloire. Ils émigrent pour aller chercher fortune au loin, et les navires du port de Bordeaux en emmènent ainsi jusqu’à 10,000 chaque année, qui vont s’établir principalement dans l’Amérique du Sud, à Buenos-Ayres, à Montevideo. Les Basques, de France, comme leurs cousins d’Espagne, ceux de Biscaye et de Navarre, sont réfractaires à la conscription, et en ce sens leur émigration doit être empêchée par l’état, qui aujourd’hui plus que jamais a besoin que tous ses enfans se plient au service militaire.

A un autre point de vue et dussent quelques-uns des villages pyrénéens en être entièrement dépeuplés, il ne faut cependant pas regretter cet exode. N’oublions pas que cette émigration des Basques a contribué grandement à la fortune de la place de Bordeaux. Ce sont eux qui consomment ce vin que le port de la Gironde envoie en quantité si considérable vers l’Uruguay et la Plata. En retour, la Plata et l’Uruguay expédient des laines, des peaux de mouton, des cuirs de bœuf, toute la production des pampas. Ces articles, comme valeur, tiennent le premier rang dans le commerce d’importation de Bordeaux, et interviennent pour une somme qui dépasse 40 millions. Voici maintenant que vont arriver aussi les viandes fraîches des pampas, conservées par les moyens frigorifiques que l’on expérimente depuis quelque temps. Il s’établit ainsi un courant commercial incessant, des plus avantageux, comme celui que les Chinois hors de la Chine ont fait naître avec la Californie ou l’Australie. N’oublions pas d’ailleurs que les Basques, comme les Chinois, n’émigrent pas sans esprit de retour. Ils n’emportent pas, comme les pauvres Irlandais, leur patrie à la semelle de leurs bottes. Quand ils ont fait fortune, ils reviennent s’établir au pays natal, ils y achètent une propriété. Là, sous le nom populaire d’Indiens ou d’Américains, sous lequel on se plaît à les désigner comme leurs congénères d’Espagne, ils dépensent généreusement les écus qu’ils ont amassés au loin.

On peut dire que Bordeaux règne sur tout le golfe de Gascogne comme Marseille sur le golfe de Lyon, c’est la métropole commerciale et maritime de ces parages, et même de toute la partie de l’Océan-Atlantique qui baigne les côtes de France. De Brest à Bayonne, aucun autre port de mer, fût-ce Nantes, ne saurait être comparé à Bordeaux ; c’est le grand marché de la France sur l’Atlantique comme Marseille sur la Méditerranée. Toutefois, plus encore que celui de Marseille, le port de Bordeaux appelle toute la sollicitude des particuliers et du gouvernement. Il est bon certainement d’avoir pour la réparation des navires des cales d’échouage et de