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cette affaire, mon sentiment est que vous disiez ouvertement que vous avez ordre de revenir en France, que vous ne partirez pourtant qu’à Pâques, et que vous le fassiez en effet, à moins que de voir une certitude à la promotion très proche, et encore, si cela est, que vous prétextiez la prolongation de votre séjour de quelque chose fort solide ; que vous quittiez Rome, quand vous le ferez, avec fierté, mais pourtant d’une manière qui soit plus capable de hâter les affaires que de les rompre, et qui fasse voir que vous ne doutez en façon du monde de ma nomination, mais que vous appréhendez que la conjoncture des affaires ne me permette pas de prendre assez de patience en moi-même pour l’attendre et pour ne me pas porter à des choses qui y peuvent être contraires. Et, sur ce sujet, vous répéterez, s’il vous plaît, tout ce que je vous ai tant de fois mandé sur ce que je serais peut-être obligé de faire contre le cardinalat, et, en ce cas, je crois qu’il sera à propos de laisser voir ma lettre. Je (m’en) remets à vous. Je vous mande par cet ordinaire, encore plus certainement que par tous les autres, que je suis assuré que ma nomination ne sera pas révoquée, et soyez tout à fait en repos de ce côté-là. C’est ce qui fait que je vous prie de laisser les affaires, au cas que vous quittiez Rome, au meilleur état que vous pourrez, afin que, s’il se peut, elles réussissent d’elles-mêmes, comme il sera difficile que cela ne soit pas, ma nomination subsistant toujours. Établissez si bien vos intelligences en partant que vous puissiez être ponctuellement averti de ce qui se passera à la cour de Rome. Si vous faites voir la lettre que je vous ai envoyée sur le jansénisme, ajoutez, je vous supplie, au lieu où il y a me seraient plutôt dictées par mon ambition : — par mon ressentiment ou par mon ambition. »

« Je me remets à vous entièrement d’ajouter ou diminuer ce que vous jugerez à propos à la conduite que je vous prie de tenir. Vous êtes sur les lieux et je suis assuré que mes intérêts vous sont plus chers qu’à moi-même. Je laisse tout à votre disposition, et je tiendrai pour bon tout ce que vous résoudrez et tout ce que vous ferez… »

Le pape Innocent X, ou plutôt son secrétaire d’état, Fabio Chigi, ne parait pas avoir insisté pour obtenir du coadjuteur, avant sa promotion, une déclaration en règle contre le jansénisme. Guy Joly, alors secrétaire de Retz et chargé précisément de mettre en chiffres sa correspondance avec l’abbé Charrier, dit dans ses Mémoires que « le pape se résolut tout d’un coup d’avancer la promotion, après avoir tiré un écrit de l’abbé Charrier, par lequel il s’engageait d’en tirer un du coadjuteur tel qu’il le désirait. »


R. CHANTELAUZE.