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UNE REVOCATION
A L'UNIVERSITE DE BERLIN

Il vient de se passer à Berlin un incident qui a causé dans la ville et dans les faubourgs le plus vif émoi et tenu en suspens l’attention de l’Allemagne tout entière. Cet incident, ou, pour mieux dire, cet événement a donné lieu à de violens débats dans la presse, à des adresses, à des protestations, à des répliques, à des dupliques et à des assemblées populaires fort orageuses, dans lesquelles on a vu la jeunesse qui se voue aux carrières libérales fraterniser avec les coryphées du parti socialiste. Le motif de cette effervescence n’était point une question de politique intérieure ou étrangère, ni la guerre d’Orient, ni un nouvel impôt sur le tabac, ni le Culturkampf, ni quelque télégramme à sensation parti de Varzin. Il s’agissait, tout simplement de la révocation, d’un privatdocent à l’université de Berlin, révocation demandée par la faculté de philosophie, prononcée par le ministre de l’instruction publique, M. Falk. On pensera peut-être que c’était faire beaucoup de bruit pour peu de chose. Il serait facile de répondre que les petites choses ont leur importance, qu’il n’y a pas de petites questions, que les libertés sont le gage de la liberté, et que toute atteinte portée à un droit particulier peut être considérée comme un danger public et comme une affaire d’état. Dans le discours qu’il a prononcé à Tulle, M. Brunet a parlé avec un superbe mépris « de ces agitateurs qui, à l’affût de procédés nouveaux, cherchent à troubler la France par je ne sais quel appareil de chicane et de procédure ; » il ajoutait : — « La France leur dira qu’elle n’a que faire de leurs querelles de procureurs. » Il faut plaindre les pays où les particuliers, soit nonchalance, soit pusillanimité, font bon marché de leurs droits et ne sont pas prêts à les défendre unguibus et rostro. Un peuple qui n’a pas l’esprit de procédure et qui ne fait jamais à son gouvernement des querelles de procureur ne sera jamais un peuple